Le rituel est immuable. Chaque année, début janvier, les libraires français s'arrachent les cheveux. Cette année encore, la «deuxième» rentrée romanesque de la saison - celle des auteurs «confirmés», qui ne chassent pas les prix - ressemble à un raz de marée. Pour ce mois de janvier 2009, on dénombre 558 romans français et étrangers. À peine moins que pour la rentrée de septembre. Nettement plus que ce que peuvent accueillir les plus grandes librairies de France. Ou recenser les journalistes littéraires les plus consciencieux.

On se contentera donc ici de signaler une quinzaine de titres, parmi ceux qui feront l'événement, par leur qualité ou leur succès en librairie.

 

Dans le domaine étranger, toujours très riche, quelques romanciers déjà riches et célèbres sont sur les rangs. Chez Gallimard, Jonathan Coe, vedette de la littérature britannique, publie La pluie, avant qu'elle tombe (256 pages), récit enregistré par Rosamond avant sa mort et qui fait s'entrecroiser le destin de trois générations de femmes de 1940 à nos jours. Aux éditions du Seuil, le Suédois Henning Mankell revient en force avec Le cerveau de Kennedy (400 pages), thriller qui mène l'archéologue Louise Cantor, revenue de ses fouilles dans le Péloponnèse, dans un voyage dans l'Afrique du sida, sur les traces des assassins de son fils.

Deux poids lourds chez Actes Sud. D'abord Vassili Axionov, l'un des plus grands romanciers russes vivants (Une saga moscovite) qui revient à 76 ans avec un nouveau récit complètement déjanté, Terres rares (400 pages). Son narrateur, vieil écrivain et ancien dissident qui, comme Axionov, vit entre Biarritz et Moscou, se paye une folle virée dans la Russie actuelle, peuplée d'oligarques, d'hommes de main en 4x4, de rêveurs et de femmes sulfureuses. Ensuite, Paul Auster, le plus européen des romanciers américains. Dans Seul dans le noir (200 pages), un scénariste septuagénaire cloué à son fauteuil d'hôpital s'invente une Amérique menacée par les guerres civiles, mais où le 11 septembre n'a pas eu lieu, pas plus que la guerre en Irak.

Auteurs français

Chez les Français, deux voix un peu singulières se détachent du lot. C'est le cas de Jean Rolin (frère cadet d'Olivier), grand amateur de voyages exotiques ou parisiens qui poursuit ses pérégrinations avec Un chien mort après lui (350 pages, chez P.O.L.). Il s'agit d'une méditation sur l'histoire de cette cohabitation entre le chien et l'homme, parfois de leurs guerres.

Aux éditions de Minuit, les amateurs de Pierre Bayard retrouveront avec plaisir l'étonnant auteur de Comment parler des livres qu'on n'a pas lus et de L'affaire Baskerville. Son essai intitulé Le plagiat par anticipation (160 pages) explique comment les oeuvres les plus célèbres de la littérature se sont inspirées sans vergogne des classiques parus 100 ans plus tard. Autre manière de dire que, bien sûr, tout n'est que littérature et jeux de miroirs autour de la réalité.

Pour ce qui est du roman français proprement dit, commençons par la relève «étrangère». Le Congolais Alain Mabanckou, Prix Renaudot 2006 et qui enseigne aux États-Unis, publie cette année Black Bazar (252 pages, éditions du Seuil), un voyage sarcastique et désabusé dans le Paris africain. Toujours au Seuil, le franco-russe Andreï Makine, Prix Goncourt 1995, propose La vie d'un homme inconnu (300 pages), autre retour au pays d'un exilé russe, à Saint-Pétersbourg cette fois.

Les valeurs sûres

Parmi les valeurs sûres de cette rentrée, citons quelques auteurs Gallimard. Philippe Sollers est de retour avec un roman très «sollersien», ironique, alerte, écrit sous forme de journal et à la première personne: Les voyageurs du temps (256 pages).

Après deux ouvrages à mi-chemin entre l'Histoire et la fiction, Pierre Assouline revient au roman proprement dit avec Les invités, huis clos dans les beaux quartiers parisiens, où une employée de maison immigrée est priée de compléter le plan de table d'un dîner mondain réduit à 13 convives. À peine sorti du sixième numéro de sa série Doggy Bag, Philippe Djian est de retour avec Impardonnables (240 pages), qui se présente comme l'histoire d'un plumitif fatigué qui tente de revenir au roman. Enfin, l'annonce du prochain roman de Philippe Labro, Les gens. Brillant journaliste, influent patron de presse, Labro avait connu un immense succès avec des récits courts et très classiques (L'étudiant étranger, etc.). Entre-temps, une terrible dépression nerveuse est passée par là. Les dimensions inhabituelles de ce nouveau roman (464 pages) intriguent, comme si elles annonçaient une sorte de bilan personnel et littéraire.

Chez Albin Michel, enfin, signalons la publication du dernier roman de Maurice G. Dantec, le plus montréalais et le plus néo-néo des écrivains français. Cela s'intitule Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute (224 pages). Sachez qu'il s'agit, selon l'éditeur de «la cavale hallucinée d'un couple atteint par un étrange neurovirus qui connecte leur cerveau à la station Mir et à son ange gardien, le jazzman Albert Ayler». Dit comme ça, c'est beaucoup plus clair.