Après trois romans chez Leméac, La nageuse au milieu du lac est le premier livre de Patrick Nicol au Quartanier. Changer d'air quand on parle d'un cerveau qui en a probablement manqué... Il n'y a pas de hasard.

Le nouveau livre de Patrick Nicol n'est ni un roman ni un recueil de nouvelles, mais un peu des deux. Un Patrick Nicol nouveau genre, en quelque sorte, même si un certain prof de cégep, un peu ou pas comme lui, y sévit toujours.

«Il y a plus de personnages et de lieux, plus d'amplitude que dans mes autres livres, dit-il. C'est un changement de niveau. Ça va avec l'idée de changer d'éditeur. Avoir un autre livre ailleurs qui fait autre chose.»

Entre Leméac et Le Quartanier, il y aura eu Terre des cons à La Mèche, un livre sociopolitique sur la grève étudiante. Quant à ses trois romans chez Leméac, ils représentent sa «période blanche».

«Les cheveux mouillés est mon livre le plus propre, dit-il sans jeu de mots. Il est très blanc, mesuré. Si j'y enlevais encore une chose, il ne resterait plus rien. La nageuse, c'est comme un recueil, ce qui donne une forme plus éclatée.»

Il ne cherchait pas nécessairement une plus grande liberté au Quartanier, mais un défi correspondant à la perception qu'il a désormais de son travail après 20 ans d'écriture.

«La nageuse est un livre qui va dans toutes sortes de directions, décrit-il, même s'il y a quelque chose de structurant au moins dans les titres. La plupart des choses me sont arrivées pour vrai. Ma mère est décédée, mais je n'ai pas voulu faire d'inventaire, parler des arrangements funéraires ou des trucs comme ça.»

La nageuse du titre est donc sa mère, aujourd'hui décédée. Enfin, un personnage nageant au bord de la sénilité qui ressemblerait à sa mère. Peut-être.

Une femme qui aurait peut-être perdu la tête à la suite d'une intervention médicale.

Il n'y a pourtant aucune trace de littérature CLSC ici. Patrick Nicol refuse l'apitoiement, le soulignement au crayon gras, le gnangnan.

«J'ai juste écrit ce qui me semblait naturel, fait-il. Ça doit venir d'une nécessité et, en même temps, je dois être capable de l'esthétiser. Il faut que ce soit beau. Parmi les choses graves qui surviennent, il faut que je sois capable de le sublimer. Sinon ce n'est pas intéressant.»

Le romancier de Sherbrooke aime provoquer les rencontres. Dans le contrepoint, il trouve sa musique. Il cherche et trouve l'harmonie qui «s'impose comme une évidence». Sans être musicien ou écouter de la musique en écrivant, il compose.

«J'aime passer d'un temps présent au passé dans des lieux rapprochés, parfois entre les paragraphes ou dans la même phrase. Pour moi, c'est comme de la musique, comme s'il y avait toujours au moins deux instruments», note-t-il.

Même s'il aime établir un style et une certaine esthétique, il rejette les systèmes et les formules toutes faites. Il préfère le bruit des choses vivantes, pour reprendre le fin mot d'Élise Turcotte.

«Pour entrer dans le réel, le meilleur moyen, c'est de passer par les objets, dit-il. C'est le vecteur pour entrer dans une situation. Je me méfie de l'intellectualisation, par exemple en nommant des choses abstraites ou en nommant des sentiments.»

Son humour est toujours là. Distancié aussi, grinçant. «Écrire, c'est prendre une distance», croit-il. Mais La nageuse évite les écueils de l'ironie et de l'autofiction, malgré le «je» et l'inspiration puisée dans sa vraie vie.

«Dans mes romans, note-t-il, des fois le narrateur a une blonde, des fois non. Parfois il a des enfants, d'autres fois non. Je ne sais pas c'est qui, ce narrateur-là. En tout cas, ce n'est pas du témoignage, ce que j'écris.»

Le travail

Écrire, pour lui, c'est travailler. Remettre 100 fois sur le métier... «Mes livres ne sont pas gros. Ils ne sont pas longs. Je peux me tromper et le réécrire au complet. La plupart ont connu neuf ou dix versions. Un jour, je vais finir par l'avoir, le trouver, LE livre», fait-il en souriant.

Restera sans doute un personnage de prof de cégep et écrivain. Pas vraiment un grand héros, ni trop aimable ni trop généreux.

«Mon défi a toujours été de faire un livre où le personnage principal n'est pas tout à fait sympathique. Le modèle, c'est La mort à Venise [Thomas Mann]. C'est un personnage auquel on ne peut pas s'identifier. La réussite d'un livre peut passer par le fait d'être intéressant sans identification au personnage.»

La nageuse est aussi un livre sur la perte de mémoire individuelle et collective, sur notre époque qui génère de l'oubli. Et le vide qui sépare les générations face au savoir, au désir d'apprendre.

«On peut avoir des moments de nostalgie par rapport à ce qui est structurant, croit-il. La solution n'est jamais par en arrière, mais la connaissance, ce n'est pas ennuyant. Je dis toujours à mes étudiants que ne rien savoir, c'est plate en maudit.»

La nageuse au milieu du lac

Patrick Nicol

Le Quartanier

180 pages