Deux recueils de nouvelles sont sortis cette saison avec le même thème, celui des secrets inavouables, des blessures cachées et de tout ce qu'on ne voit pas derrière la façade plus ou moins lisse des gens que nous côtoyons. Vaste et riche sujet, la preuve en est qu'il est abordé de manière très différente par les deux auteures.

Si cette recherche se fait tout en délicatesse et en sensibilité dans Intimité et autres objets fragiles de Marie-Ève Sévigny, elle est beaucoup plus féroce et ironique dans Un vernis de culture, de France Boisvert. Celle-ci est très claire dès la première de ses 20 nouvelles: elle ne fera pas de quartier et personne ne sera épargné. Ainsi, dans L'appartenance, on assiste, ébahi, aux retrouvailles dans un petit resto d'un chanteur à succès et de sa lointaine cousine devenue coiffeuse. Lorsque celle-ci évoque des souvenirs de jeunesse et dit le mot «famille», le jeune homme -qui se réclamait de ses racines en entrevue quelques heures plus tôt-, pète littéralement les plombs. Et cette crise de nerfs finira très, très mal.

France Boisvert garde ensuite le rythme et le ton, écorchant particulièrement le vedettariat, mais aussi le monde du travail -que de petites manigances-, et le couple- que de dissimulation... C'est court, c'est punché, ça frappe fort et ça fait sourire, même si certaines nouvelles, surtout celles se déroulant au Mexique, jurent un peu avec l'ensemble. L'auteure va aussi parfois un peu loin dans le cru, ce qui n'est pas nécessaire: ce sont ses histoires les moins violentes qui sont les plus éclairantes sur ce «vernis de culture» dont nous sommes tous recouverts, mais qui craque souvent...

Pas de violence chez Marie-Ève Sévigny - quoique parfois évoquée en filigrane-, mais une réelle capacité à saisir un état d'esprit, une sensation, un souvenir qui remonte. Tout aussi intense que court, Intimité et autres objets fragiles se lit d'une traite et nous amène de l'autre côté du miroir, dans les replis de l'âme des protagonistes. Que ce soit un médecin en fauteuil roulant qui devient une sorte de docteur public, une grand-mère bouleversée par la fin de Docteur Jivago, un employé de quincaillerie qui se «cherche une femme» pour lui faire des lunchs ou une bibliothécaire dont la vie sera transformée grâce à l'amitié d'un sans-abri.

Humanité, éclats d'humour, moments de poésie et écriture tout en nuance et en fluidité: voilà un livre qui réchauffe le coeur et l'esprit et qui donne envie de suivre très loin Marie-Ève Sévigny, journaliste à la revue Entre les lignes et directrice de la Promenade des écrivains. Comment pourrait-il en être autrement avec une auteure qui nous laisse avec cette dernière phrase: «Je me demande comment vieillissent ceux qui ne lisent pas.»?

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Un vernis de culture. France Boisvert. Éditions de la Grenouillère, 214 pages.

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Intimité et autres objets fragiles. Marie-Ève Sévigny. Triptyque, 108 pages.