Ponce Pilate martyrisé à Lyon. Jésus qui, toujours enfant, fait revenir à la vie un enfant tombé d'un toit pour qu'il le disculpe. Et sainte Anne, si importante dans la piété populaire québécoise, qui se retrouve enceinte de Marie, mère du Christ, bien qu'elle soit infertile.

Patrick Banon a publié l'hiver dernier la première «biographie populaire basée sur les évangiles apocryphes». Cet historien français des religions, qui s'est déjà penché sur Moïse, Bethsabée et saint Jean-Baptiste, décrit un Christ moins tourmenté qu'à l'habitude, mais aussi plus controversé.

«Ce que je vois dans les évangiles apocryphes, c'est un Jésus encore plus controversé que dans le Nouveau Testament, explique M. Banon en entrevue téléphonique. Enfant, il suscitait même la colère des gens, parce qu'il ne contrôlait pas encore ses pouvoirs. Les enfants sont plus proches de la vie éternelle que les adultes. Jésus discutait avec les docteurs de la loi au temple de Jérusalem. C'est un renversement de la légitimité de l'adulte vers l'enfant.»

Ne tombe-t-on pas dans l'«enfant-roi»? «Non, parce que c'est un enfant spécial, unique. Tout dans les traditions populaires le souligne: la mère de Marie qui se retrouve enceinte alors qu'elle était stérile, les sages-femmes qui constatent la virginité de la Vierge après son accouchement. Les trois rois mages qui, au départ, étaient 12 pour symboliser les 12 tribus d'Israël.»

Le professeur de l'Université polytechnique d'Orléans s'est appuyé sur 70 textes apocryphes, qu'il décrit à la fin du livre. «J'ai toujours été fasciné par le monothéisme comme révolution sociale, le monde mésopotamien et le Proche-Orient. Avant le judaïsme, les hommes voulaient se protéger des forces supérieures, des aléas climatiques, en faisant appel aux dieux intercesseurs. Mais les divinités ont fini par incarner les forces naturelles. Il y avait une logique d'asservissement à ces divinités. Le principe de départ du monothéisme est une divinité sans nom ni visage qui a créé l'humanité entière, sans distinction les uns des autres. Il n'y avait plus de terre plus sacrée que les autres, on s'émancipait du joug des divinités. Bien sûr, par la suite, les intermédiaires vont apparaître et construire une organisation politique fondée sur ces monothéismes. Jésus a voulu faire renaître la révolution du monothéisme en annonçant que tous pouvaient accéder au royaume des cieux. Je m'intéresse aux acteurs, réels ou non, qui représentent la perception de l'humanité à ce moment-là, la progression du contrat social, du droit du travail, du droit de vote, à travers les prescriptions religieuses.»

Pourquoi cela est-il important pour les lecteurs occidentaux, dans une ère de déchristianisation? «On est en train de sortir d'une logique agricole de territoire et de différences nationales et religieuses, dit M. Banon. Depuis une cinquantaine d'années, on vit une mondialisation qui met en contact les différents systèmes religieux au sein de chaque pays. Il faut revisiter entièrement notre rapport à l'autre.»

Et les penseurs orientaux, comme Confucius ou Bouddha? «J'y ai déjà pensé, mais il faut que les éditeurs soient sensibles. Pour le moment, j'ai plutôt envie d'écrire sur le siège de la forteresse de Massada par les Romains.»

Et Mahomet? Est-ce un sujet trop sensible? «Je pourrais. Il y a aussi dans son cas l'équivalent des évangiles apocryphes, des versets qui ne se trouvent pas dans le Coran. Ce qui est interdit dans l'islam, ce n'est pas les représentations de Mahomet, mais de Dieu. Ça ne me ferait pas peur.»

En marge de ses biographies, Patrick Banon a publié plusieurs livres sur la diversité culturelle et fait des formations sur le sujet en entreprise. «Je n'ai pas eu d'éducation religieuse. Mes parents n'étaient ni hostiles ni curieux à l'égard des religions. J'ai fait une partie de mes études aux États-Unis, où mon père économiste enseignait à l'université. Ensuite, je me suis intéressé aux arts martiaux, au zen. C'est devenu une recherche personnelle.»

______________________________________________________________________

* * *

Jésus, la biographie non autorisée. Patrick Banon. Michel Lafon, 343 pages.

Extrait Jésus, la biographie non autorisée

«L'enfance de Jésus: «Je n'ose plus lui parler! reprend Joseph. Jésus provoque la haine depuis que nous séjournons à Nazareth. Et il semble heureux d'être haï! Avertis-le. Fais-lui entendre raison si tu le peux, ou bientôt nous serons persécutés par sa faute, et un jour nous ne trouverons aucun lieu où nous réfugier.» L'origine du Saint-Suaire: «Jésus me surprit à peindre son portrait. Constatant sans doute que je ne suis pas une artiste accomplie, il me demanda une étoffe, l'appliqua sur sa face et me la rendit marquée de son visage.»»