Les manifestants du mouvement Sauvons les livres ont quelque peu perturbé la remise du prix Québec/Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, hier au Salon du livre, en interrompant la cérémonie pour s'adresser directement au ministre de la Culture qui y assistait.

«Monsieur le ministre Maka Kotto, quand allez-vous déposer, votre gouvernement et vous, un projet de loi pour réglementer le prix des livres?», a demandé l'auteur et chroniqueur littéraire Tristan Malavoy, porte-parole du mouvement qui, outre le noyau dur des actions des dernières semaines, réunissait hier quelques ténors du milieu du livre, dont les éditeurs Foulon, père et fils, d'Hurtubise HMH, et Pascal Assathiany, de Boréal.

Après avoir, impassible, écouté l'intervention de Malavoy livrée d'une voix ferme, mais sans la moindre animosité, M. Kotto a déclaré qu'il devait encore consulter quelques-uns de ses collègues du conseil des ministres - dont, peut-on supposer, Marie Malavoy, ministre de l'Éducation et mère de Tristan - avant d'annoncer de quoi serait faite sa réponse aux demandes de plus en plus pressantes du milieu du livre: «Je vous demande de patienter encore quelques jours.» Satisfaits, les manifestants se sont retirés en silence et la cérémonie s'est poursuivie.

Le volet québécois du prix Québec/Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse est allé à Françoise Rogier pour l'album C'est pour mieux te manger! tandis que la Wallonie remettait son prix à Geneviève Després et Gilles Tibo pour Le petit chevalier qui n'aimait pas la pluie.

Adapter la loi 51

En point de presse après l'événement, M. Kotto a invoqué la «discipline parlementaire» en refusant de préciser le type de mesures que son ministère entend mettre de l'avant pour venir en aide aux librairies indépendantes qui réclament un «prix unique» pour faire face à la concurrence «déloyale» des grandes surfaces comme Costco qui vendent les livres à gros tirage à des prix que les indépendants ne peuvent égaler.

Or, jamais hier le ministre Kotto n'a parlé d'un projet de loi en ce sens. Tout au plus a-t-il expliqué que son ministère avait cherché à voir «comment la loi 51 peut être adaptée pour répondre aux réalités nouvelles du livre».

Souvent accusé d'immobilisme au cours des dernières semaines, M. Kotto a expliqué que la «réflexion holistique» à laquelle son ministère s'était livré n'avait «rien de simple» parce qu'elle avait porté sur l'ensemble de l'industrie du livre et que les mesures proposées commandaient l'aval d'autres ministères... «dans un fleuve asséché au plan financier».

«Si mon ministère avait été le seul impliqué, ce problème serait réglé depuis longtemps», a dit M. Kotto, que Tristan Malavoy avait présenté comme «homme de lettres» et «homme de poésie et de culture» (voir le texte intégral de l'intervention sur lapresse.ca).

Comme il l'avait fait au micro, Maka Kotto a salué la façon dont les gens de Sauvons les livres ont fait valoir leur point de vue hier, «sans violence ni mépris». «Nous sommes en démocratie et cette manifestation peut servir d'exemple à d'autres, en temps de crise.»