Dans son 15e roman, Une autre idée du bonheur, Marc Lévy nous emmène dans un road trip aux États-Unis pour percer le mystère entourant la rencontre d'Agatha et de Milly. Un périple que l'auteur aux 30 millions de lecteurs a lui-même réalisé avec son fils pour les besoins du livre, et dont il a accepté de discuter avec La Presse.

Pouvez-vous nous présenter Agatha et Milly?

Agatha a la cinquantaine, elle s'est évadée de prison quelques mois avant sa date de libération, ce qui n'est pas sans poser de questions. Milly a 30 ans, elle mène une vie assez tranquille et est assistante juridique à l'Université de Philadelphie. C'est la rencontre de ces deux femmes. Milly a peur du futur et est dans son quotidien. Étrangement, je pense que la plus jeune des deux est Agatha! On lui a volé 30 ans de vie, et elle redécouvre le monde avec sa joie de vivre. J'ai écrit un roman qui s'appelle Toutes les choses qu'on ne s'est pas dites, et j'ai failli appeler celui-ci Toutes les choses qu'on n'a pas encore faites.

Vous avez choisi d'intégrer un aspect historique à ce roman. Pourquoi avoir choisi l'Amérique de la fin des années 60?

Comme Agatha a passé 30 ans en prison, ce n'est pas une femme de 50 ans qui monte dans la voiture à côté de Milly, c'est une femme de 30 ans. Ce sont deux trentenaires qui n'ont pas eu 30 ans à la même époque! J'ai toujours aimé jouer avec le temps dans mes romans, et ça m'amusait d'avoir trouvé ce moyen de confronter deux jeunesses de deux époques différentes, mais qui tout à coup vivent en même temps: en gros, la jeunesse de nos parents et la jeunesse actuelle. Ce qui est intéressant, c'est que ça tourne autour des libertés individuelles et des idéaux de vie. Cette jeunesse des années 70, qu'on a souvent raillée et caricaturée sous des labels «hippie, beatnik», est une jeunesse qui a été porteuse d'idéaux magnifiques. Elle est la genèse du mouvement de libération des femmes, de la lutte contre l'apartheid, elle a provoqué la fin de la guerre du Viêtnam, etc. Elle a fait des choses remarquables, qu'elle a payées très cher. Ça m'intéressait d'aborder ce sujet aujourd'hui, car je crains que le monde de demain ne devienne extrêmement liberticide. On devient très passifs face à ça. Et quand Agatha s'en aperçoit, elle secoue beaucoup Milly.

Pour mener à bien vos recherches, vous avez fait le même road trip que vos héroïnes. Comment avez-vous trouvé ce périple?

Je l'ai fait plusieurs fois en voiture. Ça m'intéressait de faire cette peinture de l'Amérique. Dans le roman moderne, l'Amérique sert à beaucoup de romanciers, moi le premier, de toile de fond et de décor. Mais il y a une forme de cliché, dont je m'accuse le premier, où on situe nos intrigues à New York, San Francisco ou Boston. Mais derrière l'Amérique des grandes villes se trouve la vraie Amérique. C'était intéressant de faire ce voyage à travers cette Amérique profonde, qui est à la fois dure, magnifique, digne, souvent d'une pauvreté extraordinaire et riche de destins formidables.

Qu'est-ce qui vous a le plus surpris lors de votre voyage à travers les États-Unis?

La vie des gens que j'ai croisés. Il y a des personnages secondaires du roman qui existent vraiment. Par exemple, l'histoire de ce couple dont la maison brûle et qui n'a plus rien, sauf sa voiture. Ils partent et traversent l'Amérique pour aller s'installer chez le père de la dame. Ce dernier va les prendre en charge et ainsi les sauver. Le couple se remet à travailler et reprend un jour la route pour retraverser l'Amérique, d'est en ouest, sans savoir où il s'en va. Arrivés aux Rocheuses, ils sont pris dans le brouillard et ont un petit accident. Ils décident alors qu'ils veulent s'installer au prochain village. Ils ont finalement passé toute leur vie dans ce patelin, où ils ont ouvert un restaurant!

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Une autre idée du bonheur. Marc Lévy. Robert Laffont, 400 pages.