Allez, pourquoi pas une dernière histoire d'amour, pour la route! Du haut de ses 82 ans, Minou Petrowski confie cela, entre les lignes de son nouveau roman Faut pas pleurer pour ça. La recherche de l'amour, même platonique, demeure la plus belle histoire qu'on puisse vivre et raconter. «Lorsqu'on a été toute sa vie dans la séduction, on ne peut s'empêcher de séduire, dit-elle. Parce que le désir, c'est la vie.» Tout le reste est littérature.

Minou ne s'en cache pas: elle aime les hommes jeunes. Très jeunes. Son nouvel amoureux a 40 ans de moins qu'elle: «Les hommes de mon âge ne me plaisent pas! tranche-t-elle. Je comprends fort bien qu'un homme de 50 ans n'ait pas envie d'une vieille femme de 80. Pourquoi l'inverse ne se ferait pas?»

Ah oui, aussi! Minou, c'est la mère de Boris et de Nathalie Petrowski. Une collègue qui est devenue, comme d'autres filles, la mère de sa mère. Mais ça, c'est une autre histoire que Nathalie vous racontera, si elle le veut bien...

La permission de l'autofiction

Toute de noir vêtue, Minou est arrivée en avance chez son éditeur pour l'entrevue, et avait hâte de savoir ce qu'on avait pensé de son dernier né. Cinq ans après son autobiographie, Prends-moi dans tes bras, Minou publie un livre d'autofiction, dans lequel le personnage de Laura, son alter ego, fait son bilan.

«J'avais l'impression que j'avais tout dit et trop vite, avance la romancière; que je m'étais piégée en faisant ma biographie. Je me suis donc donné la permission de vagabonder entre la réalité et la fiction avec ce livre. Tout ce qui y est ne figure pas dans la biographie. C'est un petit livre que j'aime bien.»

Le roman est divisé en trois parties, entre Paris, Montréal et les plateaux de cinéma, dont celui de Laurence Anyways de Xavier Dolan. Dans la première partie, Rue Bonaparte, Laura fait la promotion de sa biographie auprès du milieu littéraire parisien. Pour rapidement se rendre compte que son livre n'intéresse personne: «J'ai tout de même traversé le XXe siècle!», dira Laura, humiliée, à un éditeur français.

Une enfance chargée de songes

Minou, aussi, a traversé son siècle au long cours. Fille abandonnée, née de parents inconnus, elle a grandi dans une clinique de luxe, à Nice, «dans les odeurs de mimosas, de sang et d'éther». Des infirmières vont lui donner son joli prénom... car ses parents adoptifs, propriétaires de la clinique, étaient trop occupés pour lui en trouver un!

Outre son identité, on lui a caché son passé et ses origines (russo-juives). Elle va les découvrir sur le tard, en lisant une lettre. Sans amour ni attaches, la jeune Minou choisira de vivre par procuration. La fiction sera sa réalité. Et le désir, son leitmotiv. Elle dévore les films, les livres et se gave de la beauté lumineuse de la Côte d'Azur.

À 20 ans, Minou se rend à Paris. Elle loge dans une chambre de bonne, près de la porte de Passy, à 300 m de la Maison de Balzac. Elle se marie deux ans plus tard. Un mariage qui lui donne deux enfants, puis un petit-fils «qui a les yeux myosotis de sa mère», écrit-elle dans Faut pas pleurer pour ça.

Femme entière, cultivée, passionnée, Minou refuse toujours de croire que la réalité est plus importante que la fiction: «Je vis ma vie comme une histoire au cinéma, dit-elle. Je transforme tout en fiction. C'est pour ça que l'écriture est si difficile: je pars nécessairement de ce que j'ai vécu.»

D'ailleurs, en l'écoutant, on voit apparaître parfois des personnages fictifs: Anna Karénine, Blanche DuBois et la Garance d'Arletty («Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment, comme nous, d'un aussi grand amour!»). Entre autres héroïnes dont la vie est un curieux mélange de luxe et d'illusion, de beauté et de rejet, de grâce et d'impudeur. Des femmes ayant en commun de chercher à panser une immense blessure narcissique, qui remonte, bien sûr, à l'enfance.

«J'ai la Palme d'or du rejet!», lance Minou, en se remémorant ses conquêtes d'une nuit. «Mais une nuit, c'est déjà ça de pris!», rigole-t-elle.

Peu importe. Chaque fois que Minou déprime et tombe, elle se relève.

- Avez-vous déjà suivi une psychanalyse? «Ah non! Surtout pas!»

Pas de morale, mais des principes

Minou se qualifie de femme amorale. Pas immoral, mais amoral. «Je n'ai pas de morale, mais j'ai des principes. Pour moi, la morale a un côté religieux qui me déplaît. Le principe est plus rigoureux. Il demande le respect et la discipline.»

«Quand je suis arrivée au Québec dans les années 60, poursuit-elle, je trouvais que c'était un pays de merde, parce que le plaisir y était péché! J'ai voulu partir au bout de trois mois...» Heureusement pour Minou (et pour nous), le Québec s'est finalement déniaisé.

On se risque à aborder la question de la mort... Croit-elle, comme Tolstoï, qu'on passe sa vie à se distraire, à séduire et à travailler, pour ne pas penser à la mort?

«Au contraire, la mort a toujours été une voisine, une proche, répond Minou. Elle était là durant mon enfance à la clinique. Je pense que ma résilience vient du fait que je me suis toujours protégée de la mort et du manque de tendresse.»

Minou n'a pas peur de la mort tant qu'elle aura de l'énergie. Car, sans la santé, c'est autre chose... À 82 ans, l'auteure a prévenu ses héritiers qu'elle désire que ses cendres soient jetées dans la Méditerranée, au large de Cannes, mêlées à des pétales de roses!

Une belle fin pour le film d'une vie bien remplie. Cette femme solitaire, élevée dans les odeurs de sang et d'éther, partira entourée des siens. Dans la lumière, la chaleur et les fleurs.

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Faut pas pleurer pour ça, Minou Petrowski, Éditions XYZ, 173 pages.