La question peut sembler ridicule. Pour Thomas L. Friedman, elle est loin d'être drôle: l'avenir de la planète, dit-il, est entre les mains des politiciens et des gouvernements qu'ils dirigent. Une perspective terrifiante, qui le garde éveillé la nuit.

Chroniqueur au New York Times et lauréat de plusieurs prix Pulitzer, Friedman fait depuis longtemps l'apologie de la mondialisation, du libre marché, de l'internationalisation du savoir et des technologies.

 

Depuis quelques années, par contre, l'auteur n'a plus qu'un seul cheval de bataille: la révolution énergétique verte. Selon lui, aucun enjeu n'est plus important que celui de passer des sources d'énergie fossiles polluantes à l'énergie renouvelable et propre.

Et cela ne se fera pas de façon volontaire, ou sans heurts. Selon lui, les solutions individuelles basées sur les choix de consommation et les habitudes de vie sont louables. Mais «voter avec son portefeuille» a des limites.

«Il est plus important de changer ses dirigeants que de changer ses ampoules, écrit-il. Les gestes individuels sont nécessaires, mais le problème que nous devons régler est tellement gigantesque que cela ne suffit pas. Le changement doit venir d'en haut, des gouvernements. Ce sont eux qui peuvent orienter le marché de manière à déclencher une révolution verte qui changera la société.»

Thomas Friedman est un drôle d'oiseau. Ardent critique de l'administration Bush depuis des années, il semble favorable aux idées du Parti démocrate. Or, il a été l'un des rares commentateurs centristes à appuyer la guerre en Irak, une position qui l'a mal servi dans les cercles progressistes...

Friedman est doué pour simplifier les enjeux mondiaux et les défis qu'ils soulèvent. Le titre de son nouveau livre, Hot, Flat and Crowded, fait référence à trois réalités qui façonnent notre planète, selon lui. «Hot» représente le réchauffement climatique. «Flat», l'émergence d'un vaste réseau de communication et d'échange rendu possible par la mondialisation et l'internet. Et «crowded», pour l'explosion démographique qui menace de vider la terre de ses ressources d'ici la moitié du XXIe siècle.

Exemples effarants

Les exemples rassemblés par Friedman sur la consommation et la pollution sont effarants. La biodiversité disparaît à vue d'oeil. Les émissions de gaz à effet de serre s'accélèrent. Les Chinois commencent à vivre comme des Américains: cette année, la Chine a d'ailleurs ravi aux États-Unis le titre de pays le plus pollueur du monde.

«Nous devrions cesser de définir notre époque comme étant «post-guerre froide», et plutôt l'appeler «l'ère du climat et de l'énergie», écrit-il. La question est de savoir si nous réussirons à prendre le virage vert à temps.»

Pour Friedman, les entreprises sont capables d'innover pour trouver des solutions aux problèmes environnementaux. Or, le secteur privé a besoin de cibles à atteindre. C'est ici que le gouvernement entre en jeu.

«Les États doivent fixer des normes vertes, et donner un délai raisonnable aux entreprises pour atteindre ces objectifs, écrit-il. Le rôle du gouvernement est de stimuler l'innovation, pas de rester en retrait. Les politiciens sont capables d'influencer l'avenir de la planète bien plus que chacun d'entre nous.»

Plus qu'une synthèse

Journaliste vulgarisateur, Friedman n'apporte pas d'informations inédites dans le débat. Or, son aisance à faire des liens entre des événements d'actualité et des découvertes scientifiques est remarquable.

Son livre est plus qu'une synthèse des informations déjà connues. Il est un véritable appel aux armes. Friedman fait la démonstration par a plus b que notre mode de vie est irresponsable et voué à l'échec. Pour lui, la révolution verte aura aussi pour effet de créer des millions de nouveaux emplois dans les pays occidentaux, dont le leadership sera immanquablement imité par les géants émergents d'Asie.

«Une stratégie verte ne signifie pas seulement faire de l'électricité sans polluer, écrit-il. C'est une nouvelle façon de générer de la richesse au sein d'une nation.»

Le résultat est un livre brûlant d'actualité, qui se trouve à la rencontre de l'économie, des sciences et de la politique. Et un appel à la «plus grande tâche» de notre génération.

Hot, Flat and Crowded

Thomas L. Friedman

Farrar, Straus and Giroux, 448 pages, 29.95$