Soledad Alegre porte bien son nom : elle vit seule, heureuse. Réputée parmi ses pairs en muséologie, elle s'apprête à organiser une grande exposition sur les écrivains maudits.

Toujours très attirante à 60 ans, en santé bien qu'un brin hypocondriaque, elle a du succès auprès des hommes, souvent plus jeunes. Mais Mario, son amant présent, la quitte pour une jeune avec qui il va fonder une famille. Soledad veut se venger et embauche un escort pour l'accompagner à l'opéra et narguer Mario. Le plan réussit, mais en reconduisant au métro le gigolo, le couple est témoin d'une agression : le péripatéticien maîtrise le malfaiteur.

Après l'incontournable déposition, Soledad invite l'homme chez elle malgré les alertes rouges qui résonnent dans sa tête. C'est le début d'un long et dangereux vertige.

Rosa Montero excelle pour décrire les tourments qui déchirent son personnage. Par la construction du récit avec quelques plongées dans l'enfance de Soledad, par la présentation de sa démarche professionnelle, par la description parfois très drôle de ses hésitations et par le tour de force d'une entrevue entre l'auteur, aussi journaliste dans la vie, et son personnage, elle convainc de son talent de grande romancière qui sait trousser une intrigue captivante. 

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La chair

Rosa Montero

Métailié

191 pages

Extrait

« Certes, elle était encore bien, elle était encore capable d'incendier la chair d'un homme jeune et beau comme Mario, mais combien de temps cela durerait-il ? Mario et elle avaient rompu quatre mois plus tôt. À son âge, chaque jour était un gâchis. À son âge, elle entrait désormais dans le temps des chiens : sept ans pour une année humaine. Ouiiii !!! cria Soledad dans le silence de la nuit : à chaque année du calendrier qui s'écoulait, c'était comme si pour elle celle-ci était multipliée par sept, tant les changements et les pertes étaient définitifs et vertigineux. Peur. La dernière fois qu'elle avait fait l'amour. Et si elle n'avait plus jamais d'amant ? »