C'est un bien étrange festin qui se concocte dans les lettres échangées entre deux femmes que tout oppose, liées uniquement par leur lien avec un seul homme.

L'une - Noémie, 24 ans - a été l'amante de Geoffrey, malgré leurs 30 ans d'écart. L'autre, octogénaire acariâtre, est la mère de celui-ci. Or, Noémie a rompu avec Geoffrey et accuse sa mère d'avoir négligé l'éducation de son fils, d'en avoir fait un homme «à l'amour parcimonieux».

Dans ces lettres au ton d'abord acerbe - la vieille femme traite tour à tour Noémie de folle et de « petite cornue » - s'installe inopinément une complicité suspecte entre les deux femmes lorsqu'elles commencent à échanger sur l'amour et la maternité.

Sautant du coq à l'âne, elles se retrouvent ainsi à fomenter une vengeance, à travers Geoffrey, contre la «race pénienne». Ces échanges teintés d'humour évoquent un ersatz de conversation qui exposerait les faiblesses à la fois de la vieillesse et d'une trop grande jeunesse. Au fond, laquelle des deux est la plus dérangée?

Retenu dans la première sélection des prix Goncourt et Renaudot, ce roman épistolaire nous laisse toutefois perplexe quant au sens véritable de ce scénario aux accents de mythologie grecque.

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Cannibales. Régis Jauffret. Seuil. 192 pages.