De retour au roman, genre qu'il n'aura quitté qu'une année le temps d'écrire un livre de promeneur, le prolifique Sergio Kokis nous amène en Russie avec Un petit livre. Pour cet auteur, il s'agit effectivement d'un court roman, mais qui implique de longs questionnements.

Le romancier québécois imagine la vie d'un professeur de littérature, Setotchkine, qui se voit remettre un jour un bouquin interdit par Staline. C'est une jeune étudiante exaltée, fille d'un haut dirigeant russe, qui lui a remis ce roman d'anticipation, qui a, par ailleurs, vraiment existé, Nous autres de Zamiatine, décrivant un état totalitaire du futur. 

Le livre ouvrira les yeux de Setotchkine sur la vraie nature du régime politique dans la Russie des années 30. Le professeur menait jusqu'alors une vie rangée et apolitique quoiqu'en presque rupture avec sa femme, elle aussi bien placée dans la hiérarchie soviétique.

La vie de Setotchkine sera définitivement changée. Et pour le mieux, on s'en doute un peu. 

Comme si ses pensées le trahissaient, il sera traqué, emprisonné, torturé avant d'être envoyé au goulag. Il perdra tout, sauf paradoxalement, sa liberté de penser et ses livres.

Quoique l'intrigue démarre très lentement, le «petit livre» de Kokis, dont le récent Makarius faisait près de 500 pages, nous entraîne dans une aventure rappelant le sort de Raskolnikov, personnage célèbre de Dostoïevski. 

Un crime a été commis ici aussi, soit la lecture d'un livre censuré. Le roman s'attarde par la suite aux tourments psychologiques agitant le personnage principal, puis au châtiment imparable et impitoyable. 

De brillants dialogues entre Setotchkine et les représentants du pouvoir soviétique dénoncent subtilement non pas la dictature stalinienne uniquement, mais, en fait, tout système qui s'érige en modèle moral infaillible, qui juge et condamne hâtivement et qui encourage l'ignorance ambiante afin d'asseoir son pouvoir. 

Le dernier tiers du livre est, à ce titre, particulièrement remarquable. Le romancier y démontre clairement les avantages de la réflexion et de l'analyse au détriment des dogmes simplistes et de l'obscurantisme militant. 

En fait, Sergio Kokis ne saurait mieux parler d'une maladie bien moderne et fort répandue qu'on pourrait nommer l'anti-intellectualisme-populiste-et-suiviste. 

Que voilà donc un petit livre nécessaire.

* * * 1/2

Un petit livre. Sergio Kokis. Lévesque éditeur. 220 pages.