Une équipe de tournage hollywoodienne, débarquant dans une ville du Maghreb sous protectorat français dans les années 20, fait se rencontrer des Arabes soumis à la colonisation, des Français convaincus de leur supériorité et des Américains décontractés.

Cela ressemble d'abord à un cliché. Mais le style vif, sans temps mort, tenu par un sens de l'observation et de la formule, tient en haleine. Hédi Kaddour est un conteur hors pair.

Voyageant entre le Maghreb et l'Europe de l'après-guerre, le roman brosse des situations à grands traits assurés: la bastonnade d'un serviteur accusé à tort de vol y dévoile la mécanique de domination coloniale, une manifestation d'Allemands celle de l'occupation française revancharde de l'après-guerre.

Kaddour se concentre sur quelques personnages types (l'actrice cocue et adultérine, la journaliste émancipée, le colon réactionnaire, le fils occidentalisé du caïd, la jeune veuve qui tient tête), mais son projet demeure la fresque d'une époque.

Le temps dira s'il réussit à en imprimer en nous une vision marquante. Et si l'on reste quelque peu sur notre faim - la faute à l'ampleur du sujet -, reconnaissons à Kaddour son grand talent d'illusionniste, et le plaisir de lecture qui en résulte.

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Les prépondérants. Hédi Kaddour. Gallimard, 460 pages.