Pour ceux qui ont lu Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage et Tant que je serai noire, ce troisième tome des mémoires de Maya Angelou traduites en français aux Allusifs était attendu. Lire Maya Angelou, c'est vivre de l'intérieur la grande marche de l'émancipation des Noirs américains, mais aussi découvrir l'éveil d'une femme que rien ne destinait au départ à devenir l'une des figures les plus importantes de la gauche aux États-Unis.

Une véritable épopée a précédé cet accomplissement, et ce troisième tome des mémoires révèle un aspect plus méconnu de la quête identitaire afro-américaine, soit ce « retour aux sources « que beaucoup ont fait se rendant en Afrique, terre promise de leurs ancêtres fauchés par les esclavagistes. Si au début ils vivent avec ravissement le fait d'être noirs parmi les Noirs, la déception ne se fait pas attendre.

« Nous rivalisions d'éloquence pour éreinter l'Amérique et porter l'Afrique aux nues. (...) Et jamais au grand jamais nous n'évoquions notre désillusion devant l'indifférence que nous manifestaient les Ghanéens. « L'ironie est qu'ils se découvrent américains malgré tout, et que leur naïveté leur a fait croire « qu'un billet d'avion pour l'Afrique effacerait le passé et leur ouvrirait toutes grandes les portes d'un avenir radieux «.

Nous retrouvons Maya Angelou telle qu'en elle-même, pleine d'autodérision tout en ayant un regard franc et sans compromis sur l'époque, toujours aussi maladivement entichée de son fils, et croisant la route des grands personnages de l'Histoire, Malcolm X, Baldwin, Muhammad Ali, ou Martin Luther King. Maya Angelou fait bien plus que nous renseigner sur l'histoire afro-américaine, elle nous la fait vivre, puisqu'elle en est l'une de ses plus vibrantes incarnations.

Un billet d'avion pour l'Afrique

Maya Angelou Traduction de Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Les Allusifs, 226 pages

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