Hubert Mingarelli, prix Médicis 2003 pour Quatre soldats, n'a rien d'un misanthrope. Il a pour les hommes - car ce sont toujours des hommes qu'il décrit - une tendresse indéfectible.

Pères, frères, fils, compagnons d'armes et de galère, tous des humbles et des anonymes, qui avancent sur le chemin cahoteux de l'existence. Ils ont vécu, on devine qu'ils en ont vu des choses, ils sont souvent brisés, ils ont leurs faiblesses, leurs silences sont remplis de peurs et de regrets, et ils rêvent beaucoup la nuit tombée. Le monde est sans pitié, mais, parce que ce sont justement des hommes, ils ressentent la pitié.

Sentiment vécu comme une impuissance, alors que c'est pourtant ce qui leur confère toute leur humanité. Les neuf nouvelles qui composent le recueil La lettre de Buenos Aires sont des petits bijoux savament polis par l'écriture épurée de Mingarelli, qui va droit à l'essentiel - et droit au coeur, à chaque fois.

Lire Mingarelli, c'est retrouver la compassion pour son prochain, aussi démuni que soi sur terre. C'est la mort et la solitude qui rapprochent deux marins dans Port-au-Prince, c'est le souvenir furtif de l'horreur qui pousse un personnage à en protéger un autre dans La beauté du monde, c'est le partage d'une même errance post-guerrière qui réunit deux hommes le temps d'une nuit dans Qui se souviendra de nous, c'est une lettre écrite par un père à son fils, et qu'il a perdue, qui donne son titre au recueil...

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La lettre de Buenos Aires. Buchet-Chastel, 181 pages