Il y a beaucoup de Kafka dans L'enquête de Philippe Claudel. Univers qui se replie, cauchemar d'un monde contemporain déshumanisé, anomie dans les rapports interpersonnels... Philippe Claudel a imaginé un «non-lieu» apocalyptique et gris dans lequel erre un enquêteur envoyé pour fouiller une épidémie de suicides.

L'Enquêteur en question arrive dans un monde où l'humanité est en perdition. Une ville englobée par la grande entreprise, où le serveur d'un café refuse de vous servir un grog non pas parce qu'il n'en connaît pas la composition, mais parce que cette boisson ne figure pas sur sa caisse enregistreuse.

Il se retrouve dans un Hôtel de l'Espérance hostile, où il n'a pas droit au menu abondant offert à un groupe de touristes. Et puis, il y a L'Entreprise, microcosme incompréhensible dirigé par un pauvre type angoissé qui se fait prendre pour un leader charismatique par ses disciples en délire.

L'Entreprise, qui est en fait une ville, couvre une vaste panoplie d'activités humaines et héberge des individus dont les fonctions sont réduites à des rôles.

Et à travers tout cela, la folie rôde constamment. Elle s'incarne dans la nourriture industrielle et dénaturée de l'Entreprise, des descriptions d'architectures hallucinées, l'enfer d'une chambre d'hôtel, le désespoir endémique et une quête de sens dans la détresse.

Un texte clairvoyant sur le «pire des mondes», qui à la fois étouffe, ouvre les yeux et invite à revenir à Kafka et, plus tard, à Aldous Huxley.

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L'enquête. Philippe Claudel. Éditions Stock, 278 pages.