À son réveil, un matin, une femme, délaissée par son mari et ne trouvant pas sa place dans le monde, se retrouve métamorphosée en chat. L'avantage de cette régression? «La liberté, l'oisiveté, une existence sans temps, une vie sans effort, sans lutte.» Et la possibilité d'exister, enfin: indifférents à leur propre espèce, les êtres humains trouvent plus facile de s'intéresser à un chat, «si rares sont leurs occasions de caresser leurs semblables».

Tel un félin, le récit avance nonchalamment, sans rebondissement aucun, prétexte à une longue réflexion sur l'état du «lien social». On y constate la mort du couple: alors qu'autrefois, «la coopération des sexes était une nécessité absolue», désormais hommes et femmes n'ont plus besoin les uns des autres, et même, «la vie moderne a désexualisé des millions de gens». Ce faux roman regorge de phrases sensibles, dressant le portrait d'une époque où dominent l'individualisme, le repli sur soi et la peur de l'aliénation, les autres n'étant désirables qu'en tant que «tentative d'expansion de son petit ego».

À quel stade de son évolution l'être humain en est-il? Vers quels types de liens allons-nous avec cet hyperindividualisme? Si régresser au stade animal ne peut être satisfaisant, alors quelle voie emprunter? Des préoccupations très contemporaines que Ying Chen met en scène dans un conte sociologique dont la lucidité laisse mal à l'aise. Angoissant, écrit sur un ton plus attristé que révolté, le récit convainc moins dans son prétexte «la vie quotidienne d'un chat qui fut femme», un cadre vaguement quétaine qui sert parfois médiocrement une analyse pourtant passionnante.