Sexe, drogue et rock and roll. L'expression est tellement galvaudée qu'elle ne veut plus dire grand-chose. Hormis quelques exceptions, comme feu Amy Whinehouse, le monde de la musique est devenu une industrie désespérément sage, évacuée de toute forme de décadence. Mais ce ne fut pas toujours le cas, si l'on en juge par ces biographies ravageuses de Nick Kent (Apathy for the Devil) et Tony Sanchez (J'étais le dealer des Rolling Stones), qui racontent les années 70 sous l'angle de la débauche.

Le premier est un critique de rock anglais bien connu. Ses chroniques au New Musical Express ont fait date et ont contribué à l'émergence d'un journalisme rock pur et dur au milieu des années 70. Ses articles de fond sur la disparition de Syd Barrett ou l'émergence de David Bowie sont aujourd'hui des références. Ami d'Iggy Pop, des Led Zeppelin ou des Stones, il a été aux premières loges pour raconter le rock des années 70.

Tellement, d'ailleurs, qu'il sombra lui-même dans la dépendance à l'héroïne, au point de devenir sans-abri, squattant de piquerie en piquerie, avec des gens aussi peu fréquentables que Sid Vicious, la tête brûlée des Sex Pistols. Contrairement à ce dernier, Nick Kent survivra et remettra sa carrière sur les rails.

Désintoxiqué depuis les années 90, il livre ici un témoignage de première main sur sa propre chute, en n'épargnant personne, surtout pas lui. La plume est rock, sans complaisance, et parfois aussi drôle que le titre, qui fait évidemment référence au Sympathy for the Devil des Rolling Stones.

Folie, surdose et mort

Le second était exactement ce que dit son titre: le dealer des Rolling Stones. Mieux connu sous le nom de «Spanish Tony», Tony Sanchez a fréquenté le groupe de 1965 à 1979. Il a été pour eux un ami, un confident, un garde du corps et un homme à tout faire, tâche qui consistait essentiellement à leur trouver de la drogue.

Junkie lui-même, il a d'abord été proche de Brian Jones puis, après la mort de celui-ci, de Keith Richards pendant ses grosses années de dépendance avec Anita Pallenberg. Il a vécu avec eux les délires, les excès, puis la déchéance. C'était marrant au début, et vive l'hédonisme! Mais plus on s'enfonce dans les années 70, plus l'image se fait glauque.

Loin de l'innocence des swinging sixties, on s'enfonce peu à peu dans le manque, la folie, la surdose et la mort incluant celle de la propre femme de l'auteur... Très stone, mais pas rolling du tout.

On peut comprendre que Keith Richards ait voulu interdire la sortie du livre lors de sa première parution, en 1979. Ce témoignage de l'intérieur n'est pas très flatteur et sent la trahison. Dans son bouquin, Nick Kent la qualifie lui-même de «biographie calomnieuse».

Pourtant, elle fait paraître les Stones plus humains que jamais. Et nous rappelle que ces acharnés décharnés, qui fêtaient cette année leurs 50 ans de carrière, sont de vrais survivants du rock. Sauf erreur, c'est la première fois que ce livre est traduit en français. Tony Sanchez, lui, est mort en 2000 dans des circonstances obscures.

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Apathy for the Devil (Les seventies: voyage au coeur des ténèbres). Nick Kent. Rivage rouge, 340 pages.

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J'étais le dealer des Rolling Stones. Tony Sanchez. Le mot et le reste, 394 pages.

J'étais le dealer des Rolling Stones