Leurs créateurs ne sont plus là, mais leur vie de papier continue : Blake et Mortimer, Alix, Lucky Luke, Astérix, Achille Talon, XIII et bientôt Corto Maltese, tous ont été ressuscités par de nouveaux dessinateurs, une mine d'or pour leurs éditeurs.

«Si une série s'arrête, les anciens albums se vendent moins. Le seul moyen de faire vivre un fond classique est la nouveauté», explique Claude de Saint Vincent, président de Média Participations (Dargaud, Dupuis, le Lombard).

«Il faut que la série continue, sinon elle est oubliée par les lecteurs», ajoute cet éditeur de passage au festival d'Angoulême, rendez-vous annuel de la BD qui s'achève dimanche dans le sud-ouest de la France.

La «reprise», qui consiste à confier à de nouveaux auteurs un personnage dont le créateur a disparu, est donc indispensable pour l'éditeur qui possède le plus gros fonds des héros des années 60 à 80.

«C'est une nécessité pour faire vivre le fonds classique. Le mieux est que la série ne s'arrête jamais», renchérit Vincent Petit, éditeur chez Casterman, qui détient les droits de personnage comme Alix ou Corto Maltese.

Dargaud avait ainsi fait renaître en 2004 l'un des plus célèbres héros de BD, Lucky Luke: La Belle Province s'est vendue à 600 000 exemplaires, deux fois plus que le dernier album de Morris, mort en 2001. Les aventures du cow-boy solitaire ont été reprises par le dessinateur Achdé, avec Laurent Gerra comme scénariste.

Depuis trois ans, crise oblige, les reprises se sont multipliées, avec quelques succès phénoménaux.

Ainsi en 2013, alors qu'Uderzo ne pouvait plus dessiner, Astérix est revenu dans Astérix chez les Pictes avec Jean-Yves Ferri et  Didier Conrad. L'album s'est écoulé à plus de 2 millions d'exemplaires, mieux que les meilleurs Astérix.

La plus grande réussite a été le retour fracassant de Blake et Mortimer, créés par Edgar P. Jacobs, avec L'Affaire Francis Blake sorti en 1996, neuf ans après la mort de Jacobs.

«Pour ce monument, nous avons respecté au maximum les codes et gardé l'histoire dans les années 50», explique Claude de Saint Vincent. «L'album s'est vendu à 610 000 exemplaires, deux fois plus que le record de Jacobs. Ce qui a profité aux anciens albums : plus d'un million de Blake et Mortimer se sont vendus en 1996».

Maintenant cinq équipes planchent sur des Blake et Mortimer, dont le dernier, Le Bâton de Plutarque, vient de sortir.

Superdupont et Tif et Tondu

D'autres reprises ne connaissent pas le même succès, comme Achille Talon, d'après Greg, revenu en août 2014 après une trop longue interruption.

L'éditeur a aussi fait revivre XIII, Boule et Bill ou encore Spirou, depuis longtemps dessiné par des auteurs successifs.

Prochain sur la liste, Superdupont, surhomme franchouillard créé par Alexis. Sa nouvelle plume sera François Boucq, grand fan d'Alexis, qui soumet ses dessins à l'imprimatur de Gotlib lui-même. «Je vais y mettre quand même pas mal de moi», a confié Boucq.

Et les héros belges Tif et Tondu seront repris par le dessinateur Blutch à l'automne 2015.

Chez Casterman, la reprise phare est celle d'Alix, le jeune Romain créé par Jacques Martin. Atteint d'une dégénérescence maculaire vers 1991, l'auteur avait formé de jeunes dessinateurs. Depuis trois ans, Alix est dessiné par Marc Jailloux, un fidèle.

Et vingt ans après la mort d'Hugo Pratt, son mythique Corto Maltese va renaître sous la plume d'un duo espagnol, Ruben Pellejero et Juan Diaz Canales, dans une aventure qui l'emmènera dans le Grand nord américain. Titre de l'album, prévu le 7 octobre : Sous le soleil de minuit.

Tintin, lui, ne revivra pas sous la main d'un autre, Hergé ne le souhaitait pas. Du moins pas avant son passage dans le domaine public, en 2054.