La romancière américaine Ursula K. Le Guin, décédée lundi à 88 ans, est un des maîtres du fantasy connue notamment pour sa trilogie «Terremer» dans laquelle un apprenti sorcier se bat contre les forces du mal, comme le fera, beaucoup plus tard, un certain Harry Potter.

Anthropologue de formation, comme son père, Alfred Louis Kroeber, un ethnologue connu pour ses travaux sur les Amérindiens, Ursula K. Le Guin est certainement la femme la plus célèbre de la science-fiction, un genre qu'elle a toujours refusé de considérer comme mineur.

Le maître de l'horreur Stephen King a salué sur Twitter une auteure «parmi les grandes». Pour lui, Ursula K. Le Guin n'était «pas seulement une écrivaine de science-fiction» mais «une icône de la littérature».

Après avoir étudié à l'université de Columbia à New York, puis à Paris (où elle a rencontré son mari, l'historien français Charles Le Guin), Ursula K. Le Guin publie son premier roman, Rocannon's World en 1966.

Le succès vient avec la publication en 1969 de son roman The Left Hand of Darkness qui reçoit de nombreux prix et est devenu depuis un des grands classiques de la science-fiction.

Ce roman, début du «cycle de l'Ekumen», qui comporte six autres ouvrages, brise les schémas sclérosés de la science-fiction de l'âge d'or.

La planète où se situe l'histoire de The Left Hand of Darkness diffère peu de la Terre, sauf par son climat glaciaire, mais les êtres qui la peuplent sont radicalement étranges : ils n'ont qu'un seul sexe et assument tour à tour les rôles masculin et féminin.

C'est l'occasion de se poser des questions sur l'identité sexuelle, de se demander quelles règles sociales, quelle culture, quelle vie intérieure peut sécréter un tel univers.

De sa formation d'ethnologue, elle a axé son travail sur «l'histoire humaine, succession de crises et d'affrontements, qui sont chacun l'occasion d'un apprentissage collectif», a dit d'elle Gérard Klein, spécialiste français de la science-fiction qui a fait connaître l'oeuvre d'Ursula K. Le Guin au public francophone en publiant une partie de ses ouvrages au Livre de Poche.

Écrivaine engagée 

Dans l'histoire des sociétés galactiques qu'elle décrit, et qui se retrouve, dans ses nouvelles comme dans ses romans, groupée en cycles, Ursula Le Guin, qui se dit influencée par la pensée anarchiste et taoïste, tente de prouver qu'il n'existe aucune solution totale et définitive ni dans la théologie, ni dans la politique, ni dans aucune science humaine, passée ou future.

À sa manière, elle est l'archétype de l'écrivain engagé. Ainsi, a-t-elle toujours soutenu les thèses de Murray Bookchin, militant écologiste libertaire américain (disparu en 2006), considéré aux États-Unis comme l'un des grands penseurs de la «nouvelle gauche» radicale.

Ses qualités d'invention développées au fil de ses romans, la richesse et la subtilité de son exploration sociologique confèrent à chacune de ses oeuvres une sonorité qui n'appartient qu'à elle.

Bien avant que cela ne devienne un sujet dans l'air du temps, la romancière, née en 1929 en Californie et établie depuis la fin des années 1950 à Portland dans l'Oregon, s'est beaucoup intéressée aux questions environnementales. Certaines de ses oeuvres comme Planet of Exile ou The Word for World is Forest appartiennent au genre «écofiction» très en vogue depuis quelques années. Elle a abordé des questions comme le clonage dès la fin des années 1960 avec son roman Nine Lives.

Estimant ne plus avoir l'énergie suffisante pour cela, elle avait arrêté d'écrire des romans depuis plusieurs années, même si elle écrivait encore sur son blogue.

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