Invitées à monter un spectacle d'un soir dans le cadre d'un festival, l'écrivaine Delphine de Vigan et l'auteure-compositrice-interprète La Grande Sophie ont décidé de partir en tournée. Elles présentent leur spectacle de ce côté-ci de l'Atlantique dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL). Une soirée où les deux artistes mêlent leurs voix pour créer un univers littéraire et musical qui leur ressemble. Nous leur avons parlé, séparément.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?

Delphine : « Notre première rencontre, c'était dans un café, à Paris. Dans mon souvenir, c'était l'hiver, elle portait un bonnet. Je la trouvais encore plus belle que l'idée que je me faisais d'elle à travers les médias. Elle faisait partie des artistes que je suivais depuis longtemps. J'avais écouté quasiment tous ses albums. Quand Arnaud Cathrine m'a demandé de participer au festival de Nevers en 2014, et de choisir une artiste avec qui je monterais un spectacle, j'ai tout de suite pensé à elle. »

Sophie : « J'avais lu un seul livre de Delphine, Rien ne s'oppose à la nuit. J'étais un peu nerveuse, tout est un peu flou. Mais je me souviens de la deuxième rencontre par contre. C'était une séance de travail à la maison. On s'est tout de suite bien entendues. Je m'attendais à quelqu'un de beaucoup plus sombre, mais on a rigolé, on a bu du thé tout l'après-midi et on est vite devenues amies. »

Pourquoi avoir décidé de partir en tournée avec ce spectacle qui ne devait se produire qu'une seule fois ?

Sophie : « Tout de suite après le spectacle, je me suis dit : pourquoi pas une suite ? Je m'étais donné une mission : faire aimer la scène à Delphine. Mais un seul et unique spectacle, ce n'est pas suffisant. Je trouvais dommage que Delphine ne connaisse pas davantage ce sentiment, alors j'ai proposé qu'on parte en tournée. »

Delphine : « Être sur scène, ce n'est pas du tout ma voie, dans tous les sens du terme. Bon, comme toutes les ados, j'ai rêvé d'être une rock star [rires]. Cela dit, on avait pas mal travaillé le spectacle et on a été étonnées par la réponse. On a ressenti une émotion très forte de la part du public. On ne pensait pas que cette petite chose qu'on avait créée pouvait toucher autant de monde. Quand Sophie a proposé une vraie tournée, j'ai dit oui parce que j'avais beaucoup de plaisir à jouer et parce qu'elle est une formidable compagne de travail, très disponible. Et puis, je suis incapable d'enchaîner les romans. J'ai besoin de temps d'attente, de respirations. »

Qu'aimez-vous chez l'autre ?

Sophie : « Delphine a un côté très fantaisiste et très observateur. On a beaucoup voyagé en train pour la tournée et à la fin d'un voyage, on réalisait qu'on avait perçu les mêmes choses. Elle observe beaucoup. On sent la romancière qui enregistre tout, très à l'écoute et qui aime qu'on lui raconte des histoires. »

Delphine : « Sophie est quelqu'un de fantaisiste, de singulier, qui ne ressemble à aucune autre de mes amies. Elle est attentive, généreuse et originale sans essayer de l'être, elle m'a beaucoup aidé à sortir de ma coquille, à m'ouvrir à un univers vertigineux qui me faisait un peu peur. Franchement, je l'adore ! Ce n'était pas prévu, on ne cherche pas nécessairement à rencontrer les gens qu'on admire, on peut être déçu... Or, c'est une vraie rencontre amicale, ce qui est assez rare à l'âge qui est le nôtre. »

Qu'avez-vous appris sur vous-mêmes avec ce spectacle ?

Sophie : « Ma vraie découverte, c'est de rester sur scène sans bouger, à l'écoute de l'autre. Ce n'est pas évident pour moi ; je ne suis pas habituée. On a travaillé avec la vidéo quand je me suis vue gesticuler dans tous les sens, je me suis dit : c'est pas possible. C'est nouveau pour moi de rester immobile et d'être dans le regard des autres, c'est une richesse supplémentaire. Et puis, partager la scène avec une autre femme, je ne suis pas habituée. Delphine m'a d'ailleurs fait remarquer que j'ai un humour de mec. Normal, je suis toujours avec des garçons. »

Delphine : « J'aime beaucoup dire des textes à voix haute, je le fais quand j'écris. C'est une manière de se rendre compte de la matière du texte, de sa violence aussi. Avec le spectacle, l'écoute du public m'a révélé certaines choses. C'est une expérience émotionnellement très forte qui m'a sans doute changée. »

On dit que le tout est plus que la somme de ses parties. Delphine + Sophie, ça donne quoi ?

Sophie : « Je crois que le public ressent énormément la complicité qu'il y a entre nous. On en fait une émotion, quelque chose de très pur. Deux voix, c'est tout. Très peu d'éclairage. On ne voulait pas que les éléments perturbent le spectacle. »

Delphine : « On a essayé d'inventer quelque chose qui est davantage qu'une lecture. On a mêlé nos univers, on ne les a pas seulement juxtaposés. Les chansons et les textes se mêlent et racontent une histoire. C'est émouvant et poétique. »

L'une & l'autre, Delphine de Vigan et La Grande Sophie, au Théâtre Outremont, vendredi 22 septembre, 20h.