L'écrivain espagnol inconformiste et anti-franquiste Juan Goytisolo s'est éteint dimanche à l'âge de 86 ans à Marrakech, au Maroc, où il résidait, a annoncé son agent, basé à Barcelone.

L'écrivain et essayiste, lauréat en 2014 du prix Cervantes, considéré comme le Nobel de littérature hispanophone, est mort à «son domicile de Marrakech, entouré de ses proches», a précisé l'agence Carmen Balcells, dans un communiqué.

L'écrivain avait des problèmes de santé ces derniers mois, dont une fracture à la hanche qui l'avait contraint de se déplacer en fauteuil roulant.

Juan Goytisolo, né à Barcelone en 1931, était un intellectuel engagé exilé en France en raison d'un «désaccord total» avec le régime de Franco et la censure qu'il imposait.

Sa mère avait été tuée dans un bombardement des partisans de Francisco Franco en 1938, alors qu'il avait sept ans.

Issu de la bourgeoisie il est donc «le fils d'une famille de vainqueurs, dont la mère a été tuée par les vainqueurs», ce qui le place dans «une position singulière», a témoigné l'écrivain Jose Maria Ridao.

Quand il est parti au début des années 1950, il a d'ailleurs décrit l'Espagne comme une «marâtre immonde de serfs et de seigneurs», décidé à «remplir son rôle d'écrivain», et à combler les vides d'une presse censurée.

Issu d'une famille d'origine basque installée à Barcelone au début du siècle il avait aussi une fratrie très littéraire.

Son aîné Jose Augustin, mort en 1999, était poète, et son cadet Luis, qui a quatre ans de moins que lui, est également écrivain. L'écriture, d'ailleurs, était aussi très présente dans sa famille maternelle.

Goytisolo a donc commencé à écrire dès l'âge de huit ou neuf ans, a raconté sa nièce Julia Goytisolo dans un documentaire diffusé par la télévision publique espagnole. Il n'a jamais cessé depuis, auteur d'une vingtaine de romans, de reportages et d'essais.

Il a vécu pleinement le Paris intellectuel des années 1950, au côté de son amour, l'auteure française Monique Lange qui lui fit rencontrer Jean Genet, William Faulkner et bien d'autres.

Son parcours a démarré en 1954 avec la parution de «Jeux de mains».

Surnommé l'écrivain «des deux rives», il s'est au fil des livres engagé pour la défense du monde arabe et de l'Amérique latine, contaminées, selon lui, par la colonisation.

Auteur de reportages, c'était aussi un passionné de voyages et de déserts, d'où son installation au Maroc après la mort de sa compagne, à la fin des années 1990.

Auparavant il avait aussi vécu aux États-Unis entre 1969 et 1975 et donné des cours de littérature, dans des universités en Californie, à Boston et New York.

Goytisolo était aussi connu pour son expérimentation narrative, et son style singulier et imprévisible, fruit de son indépendance intellectuelle.

Son dernier roman, L'exilé d'ici et d'ailleurs avait été publié en 2008.

En plus du prix Cervantes, l'écrivain avait notamment remporté le Prix national des Lettres espagnoles en 2008 et le prix Juan Rulfo de la littérature latino-américaine en 2004.

«Il nous semble difficile de nous résigner à l'existence d'un monde souffrant le chômage, la corruption, la précarité, des inégalités sociales et un exil professionnels croissants pour les jeunes», avait-il dit en recevant le prix Cervantes.