L'animatrice Catherine Pogonat a repris cet automne la barre de Chez Georges-Émile, une série de longs entretiens avec des artistes qui ont lieu les jeudis devant public à l'espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts. On pourra y voir au cours des prochains mois Véronique Cloutier et Dominique Champagne. Les rencontres seront aussi diffusées en direct sur Facebook et en baladodiffusion sur Première Plus. Catherine Pogonat, qui est toujours à l'animation de la charmante émission Pogopop, sur Ici Musique, nous parle de sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture?

Tous les Martine! Martine petit rat de l'opéra, Martine fait du théâtre, Martine en montgolfière... La poésie illustrée couleur pastel, ultraréaliste et rêveuse de Marcel Marlier, le souci du détail et le romantisme absolu des aventures de Martine m'ont donné tellement d'envies! Cette série est née en 1954, bien avant moi, mais je serai toujours #teammartine.

Le livre qui a changé votre vie?

Le Journal d'Anaïs Nin. Cette femme née en 1903, qui a vécu entre la France, ses origines cubaines et les États-Unis, est l'une des premières à avoir publié des ouvrages érotiques, à avoir raconté sa bisexualité, à avoir assumé sa vie de femme libre à une époque où c'était interdit. Son journal intime est tellement avant-gardiste et accessible à la fois! Elle a une écriture fine et scandaleuse, qui nous plonge sans filtres mais avec panache dans ses amours, l'effervescence artistique des soirées de l'époque, ses psychanalyses. Elle a bouleversé mon adolescence et forgé la femme que je suis devenue.

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

I Need More d'Iggy Pop. J'ai rencontré le papa du punk, l'enfant terrible du rock américain, dernièrement, et je me suis lancée à corps perdu dans son autobiographie qui révèle tout son génie d'auteur, tout son talent de raconteur. C'est un cri du coeur pour dénoncer le fossé qui se crée immanquablement entre la vraie vie et l'image publique, entre l'homme et le personnage. C'est une leçon de rock, d'amour, de sexe, d'émotions fortes et de rêves plus grands que nature. Mais c'est surtout le regard de James alias Iggy sur une époque démesurée.

Le livre que vous relisez tout le temps?

Capitale de la douleur, de Paul Éluard. Adolescente, j'ai été vraiment marquée par le surréalisme et le dadaïsme. J'ai dévoré la liberté débridée d'André Breton, la folie entière de Dalí, sans compter. Mais j'ai surtout retenu Paul Éluard, poète qui faisait partie de ce mouvement. Malgré son titre douloureux, ce livre est ce qui se rapproche le plus de l'état amoureux. De ce moment où on perd pied. Où chaque mot, chaque image, chaque idée, chaque mouvement sont habités par l'être aimé. Ses poèmes sont la description la plus juste que j'ai lue de ce sentiment-là. Si j'avais un seul livre de poésie à recommander au monde entier, ce serait celui-là.

Celui que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?

Toute l'oeuvre de Proust... mais je sais tellement pourquoi! Tout le monde dit avoir lu Proust, pour avoir l'air cool, parce que c'est un classique, une oeuvre majeure, mais peu de gens l'ont lu pour vrai. Proust, O. K., c'est sûrement très beau, mais c'est compliqué. Juste À la recherche du temps perdu fait sept tomes! J'ai toujours eu peur de me lancer dans cet Everest de mots. J'ai un rapport très égoïste à la lecture. J'aime avoir du plaisir à lire, quand c'est fluide, quand c'est possible. Proust, c'est comme une montagne infranchissable. Je l'avoue, j'ai peur de Proust.

Ce que vous avez l'intention de lire cet automne?

L'attrape-coeur de J.D. Salinger, juste parce que je ne l'avais jamais lu! Et que c'est un roman incontournable de jeunesse que j'aurais dû lire adolescente, mais bon, je me rattrape. Et Les superbes de Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras, qui vient tout juste de sortir. Les femmes et le succès au Québec, c'est un point sensible, c'est encore un sujet tabou. Quand Coeur de pirate, Mitsou, Fabienne Larouche racontent leur parcours en tant que femmes de tête, ça me tente.