L'identité juive de l'auteur américain Michael Chabon, prix Pulitzer en 2001, est souvent au centre de ses écrits. Mais son rapport avec Israël a été ébranlé après un voyage dans ce pays et les Territoires palestiniens occupés, confie-t-il à l'AFP.

À cette occasion, l'écrivain a compris «la vraie nature» de l'occupation israélienne, raconte-t-il dans une interview par téléphone, après son retour aux États-Unis. Le fait que le sort subi par les Palestiniens leur soit infligé par des juifs le rend «beaucoup plus consternant que l'apartheid», souligne l'auteur, âgé de 52 ans.

Michael Chabon, auteur des Extraordinaires aventures de Kavalier et Clay sur deux cousins juifs avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, avait visité Israël en 1992. Mais il n'a vraiment commencé à se préoccuper personnellement de l'occupation qu'après le voyage de sa femme, l'Israélienne Ayelet Waldman, dans son pays de naissance, il y a deux ans.

Ce voyage a «ouvert les yeux» à sa compagne, elle-même écrivaine, dit-il.

Le couple a alors commencé à militer contre l'occupation israélienne.

Il a organisé en avril un séjour en Cisjordanie occupée pour des auteurs américains avec l'assistance de Breaking the Silence, une ONG israélienne offrant une plateforme à des soldats pour dénoncer anonymement les agissements condamnables de l'armée.

Ils ont rencontré des Palestiniens à Jérusalem-Est et dans des villages de Cisjordanie.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967, imposant de sévères restrictions à ses quelques 2,5 millions d'habitants palestiniens et construisant des colonies jugées illégales par l'ONU. Il a également annexé Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale d'un futur Etat indépendant.

Il s'est retiré de la bande de Gaza mais celle-ci est également considérée par la communauté internationale comme occupée en raison du contrôle extérieur exercé par Israël sur ce territoire, soumis à un blocus draconien.

La perspective d'un État palestinien indépendant formé de la Cisjordanie et de Gaza avec Jérusalem-Est pour capitale a rarement paru plus lointaine et la colonisation se poursuit.

«Consternant»

L'occupation est «la plus grande injustice dont j'ai jamais été témoin», a témoigné Michael Chabon après son voyage dans la publication juive américaine Forward.

Ces propos ont suscité de vives réactions israéliennes sur internet. Michael Chabon «n'a vraiment pas vu grand-chose dans sa vie», a twitté Arsen Ostrovsky, un des principaux défenseurs d'Israël sur les réseaux sociaux.

Mais l'écrivain ne retire rien, même s'il comprend que des Israéliens soient «d'autant plus en colère» que la critique vient d'un juif américain.

«Ce qui contribue à rendre les choses particulièrement horribles pour moi et qui les distingue de l'apartheid est que cela est fait par des juifs. Je suis juif», dit-il à l'AFP.

«Qu'un peuple qui a été persécuté aussi longtemps de façon aussi horrible prenne un tel virage et finisse par opprimer un autre peuple à un tel niveau de bureaucratie de masse est pour moi d'une certaine façon beaucoup plus consternant que l'apartheid, aussi terrible qu'ait été l'apartheid, et je n'essaie pas par-là de le minimiser», ajoute-t-il.

Michael Chabon dit ne pas être hostile à l'État hébreu. «J'étais tellement partial en faveur d'Israël, et je crois que je le suis encore à certains égards, que je préférais ignorer» l'occupation, dit-il.

«C'est la seule chose à faire pour conserver son soutien à Israël: ignorer (l'occupation). Le gouvernement (israélien) le sait et c'est la raison pour laquelle il fait tant d'effort pour la cacher et pour empêcher les gens, y compris les Israéliens ordinaires, de la voir», souligne-t-il.

Sollicité, le gouvernement israélien n'a pas réagi aux propos de Michael Chabon.

L'écrivain et son épouse vont éditer un livre écrit par 25 auteurs américains connus décrivant les différents aspects de la vie quotidienne sous occupation israélienne.

Les bénéfices des ventes seront reversés à Breaking the Silence et à une ONG palestinienne.