René Richard Cyr a signé la mise en scène de la toute nouvelle pièce de Serge Boucher, Après, qui est présentée au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 19 mars. Il nous a raconté sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture?

Je ne serais pas très original en nommant la comtesse de Ségur avec Le général Dourakine ou Les malheurs de Sophie. Alors je citerai le premier livre marquant qui fut sans aucun doute Vendredi ou les limbes du Pacifique du grand Michel Tournier, qui d'ailleurs nous a quittés il y a quelques semaines et dont plusieurs écrits m'ont bouleversé. Je recommande à chaque parent d'adolescent de l'inviter à lire Vendredi, où Tournier revisite l'histoire de Robinson Crusoé à sa manière. Roman d'aventures, roman initiatique, essai philosophique. Fondateur.

Le livre qui a changé votre vie?

L'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera. Je ne compte plus le nombre d'exemplaires offerts en cadeau. Étant d'une nature inquiète, ce livre m'a rappelé que nos choix que l'on croit déchirants devraient être légers puisque nous ne saurons jamais ce qu'il serait advenu si nous avions opté pour un autre choix. Kundera compare nos vies à une soirée de première au théâtre (ce qui a su me rejoindre) alors que nous n'avons jamais eu de répétitions. Condamnés à vivre avec une insoutenable légèreté, notre impression de profondeur n'est que prétention. Reconnaître cela m'a enlevé un poids sur les épaules et apporté un peu de quiétude. Recommandable.

Celui qui est sur votre table de chevet en ce moment?

C'est le coeur qui meurt en dernier de Robert Lalonde. Ce récit qui mêle habilement et sensiblement présent et souvenirs me ravit. J'en suis à la moitié du volume et je suis touché par la franchise de l'écriture, souvent ému par les situations et les dialogues, sans cesse passionné par la véracité et la fougue des personnages. Je souris, je réfléchis, je goûte. J'étire ma lecture, une page à la fois. Beau, beau, beau.

Le livre que vous relisez tout le temps?

Il y a tant de découvertes à faire qu'ils sont rares, les livres que je relis. J'oserais alors changer votre question par: quel livre reliriez-vous avec plaisir? Les frères Karamazov de Dostoïevski, qui demeure l'un des plus grands livres que j'ai lus, Le monde selon Garp de John Irving, La rose pourpre et le lys de Michel Faber, tout Martin Winckler que j'affectionne tant, et... la liste est trop longue.

Celui que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?

Je ne lis pas de polars et je sais pourquoi. Même si l'écriture est riche, même si la nature des descriptions est à tomber par terre, même si le contexte culturel, social, politique, historique est flamboyant, je ne suis attentif qu'au dénouement sans m'attacher au déroulement. Je suis trop impatient ou trop curieux, ou je n'ai pas de temps à perdre, mais je veux tout de suite savoir si c'est la bonne qui a commis le meurtre, si le gentil voisin est le tueur en série machiavélique qui devait nous tenir en haleine ou si c'était un suicide déguisé. À la page 3, je dois réprimer mon envie d'aller feuilleter les dernières pages révélatrices. Alors à d'autres, les polars.

Ce que vous avez l'intention de lire cet hiver?

Je lis des auteurs québécois. J'ai été soufflé par plusieurs auteures ces derniers mois: Catherine Dorion et son élevant Même s'il fait noir comme dans le cul d'un ours, la toujours brillante Sylvie Laliberté avec Je ne tiens qu'à un fil... mais c'est un très bon fil et l'acuité de La vie habitable de Véronique Côté. Je poursuivrai donc ma lecture d'oeuvres québécoises en complétant l'étonnante, la désarçonnante, la passionnante trilogie d'Éric Plamondon sur le périple américain de son personnage Gabriel Rivages: Hongrie-Hollywood Express, Mayonnaise et Pomme S. Singulier.