Les relations parfois houleuses entre éditeurs et écrivains incitent de plus en plus d'auteurs à se tourner vers l'autoédition, un des sujets vedettes de la Foire du livre de Francfort 2013.

«Les gens ont toujours voulu raconter leur histoire. Beaucoup de barrières sont tombées grâce à l'explosion des réseaux sociaux et des nouvelles technologies», explique Florian Geuppert, directeur général de Books on Demand, l'un des champions mondiaux de l'autoédition qui imprime chaque année 3 millions de livres et propose 17 000 éditions numériques.

L'autoédition, qui permet à un auteur de publier directement un manuscrit en livre papier ou numérique sans l'intermédiaire d'un éditeur, ne représentait en 2012 que 3% du marché du livre français. Elle a atteint toutefois 17% de parts de marché aux États-Unis et est en progression ces dernières années.

Le refus d'un éditeur incite des auteurs à voler de leurs propres ailes, mais ce cas est minoritaire, assure M. Geuppert. «La principale motivation des autoéditeurs est toujours la même, faire ce qu'ils veulent comme ils le veulent», sans contrôle.

«Les profils sont très divers. Il y a la petite fille qui veut publier les recettes de sa grand-mère ou la personne qui se lance avec un premier manuscrit, mais aussi des auteurs professionnels, déçus du marketing des éditeurs traditionnels», détaille Marguerite Joly, directrice marketing de la plateforme d'autoédition allemande Epubli, qui revendique 5000 acteurs et 15 000 publications.

Plus de liberté rime aussi avec de meilleurs revenus. Selon les formes d'autoédition, les auteurs peuvent espérer gagner de 15 à 80% du revenu des ventes d'un livre, là où ils ne gagneraient que 5 ou 6% auprès d'un éditeur traditionnel.

L'autoédition, vecteur de  démocratie

«Dès que le livre est publié, il est disponible sur les grandes plateformes de distribution comme Amazon, Google Play, l'Appstore d'Apple», explique Mme Joly.

Si le livre numérique gagne du terrain, il ne représente encore que 10% du chiffre d'affaires des auteurs autoédités, qui continuent de privilégier le papier.

«Je suis très satisfait de l'autoédition», explique M. Müller-Eschenbach. Selon lui «une maison d'édition planifie en général un an à l'avance la sortie d'un livre. Mais selon les thèmes, on ne peut parfois pas attendre. Grâce à l'autoédition, mon livre peut-être disponible sur Amazon un mois après que je l'ai terminé».

L'autoédition constitue aussi un vecteur important de démocratie, selon lui. «Dans un pays où l'édition est sous la coupe d'une dictature, l'autoédition permet de mettre des oeuvres critiques très rapidement sur le marché, disponible à l'achat avec un simple clic», s'enthousiasme M. Müller-Eschenbach.

Sans l'aide des maisons d'édition et leurs moyens financiers, les auteurs doivent assurer par eux-mêmes la mise en page de leur livre, sa promotion ainsi que les relations avec les distributeurs, ce qui peut occasionner des désastres.

En 2001, la star mondiale du thriller Stephen King avait marqué les esprits avec l'échec retentissant de son ouvrage The Plant, autoédité sous forme de livre électronique.

«Il y a de très belles histoires dans l'autoédition, mais également beaucoup de déceptions. Tout le monde n'est pas écrivain et il y a aussi des intermédiaires financiers qui abusent de la crédulité de certains romanciers à qui cela peut coûter très cher», pointe Matthieu de Montchalin, président du syndicat de la librairie française.

«L'autoédition me semblerait inquiétante si les éditeurs n'étaient pas bons», estime Vincent Montagne, président du syndicat national de l'édition, qui voit dans la concurrence des autoéditeurs «une bonne chose».

Mais, selon lui, «l'accompagnement d'un auteur par un éditeur dans sa montée en puissance sur le long terme est irremplaçable».