Le 19e Festival international de la littérature commence vendredi. Comme chaque année, le FIL offre aux amateurs de mots des événements éclairants qui les font sortir des sentiers battus. En ouverture, place aux jeunes auteurs, dont la parole sera mise en évidence.

Spectacle d'ouverture du Festival international de la littérature, Jusqu'où te mènera ta langue donne la parole aux forces vives de la nouvelle génération d'auteurs de théâtre, de poètes et d'écrivains. Une parole «poétique, pamphlétaire, politique, intime» dévoilée au cours d'une soirée qui se veut énergisante et percutante.

Créé il y a trois ans à l'occasion du Festival du Jamais lu, Jusqu'où te mènera ta langue ne devait avoir lieu qu'une fois. Mais le spectacle a depuis été joué au CNA à Ottawa, a fait le tour des maisons de la culture montréalaise et a même été présenté au théâtre de Verdure cet été.

Le principe est simple: chaque auteur a dû répondre, dans un cahier Canada, à une vingtaine de questions du genre «Écrivez-moi cinq mots que vous adorez», «Quels mots aimeriez-vous susurrer à un homme politique» ou «Faites-moi une carte postale de Montréal». Martin Faucher a ensuite réorganisé cette matière pour amalgamer, déplacer, recouper, puis en faire un grand tout ordonné qui a ensuite été ponctué par la musique de Benoît Landry et Jérôme Guilleaume.

Pour la mouture actualisée du FIL, cinq auteurs - Samuel Archibald, Marjolaine Beauchamp, Simon Boulerice, Evelyne de la Chenelière et Alain Farah - se sont «intégrés» au matériel déjà existant, auquel avaient participé entre autres Philippe Ducros, Catherine Léger et Jean-François Nadeau.

«C'est un concept qui demande beaucoup d'humilité aux auteurs», admet Martin Faucher, puisque même si ceux qui le désirent peuvent lire leurs propres textes sur scène, cinq comédiens en font aussi la lecture. Ainsi, leur signature n'est plus identifiée. «Mais je crois qu'il sont contents de faire partie de cette aventure collective, qu'ils sont curieux de voir comment ce qu'ils ont écrit sera transformé.»

Énergisant

Martin Faucher a constaté que les dernières années ont donné lieu à plusieurs célébrations des écrits d'avant et après la Révolution tranquille. Pour lui, il était nécessaire de donner une place aux auteurs d'aujourd'hui.

«Je voulais leur offrir la possibilité d'être lus, là, maintenant, sans qu'ils soient obligés d'attendre deux ans avant de voir le produit final et d'avoir à passer par 15 comités éditoriaux. Ils sont leur propre éditeur. Ça donne un côté brut qui me plaît, et une parole ancrée dans le monde.»

«Nostalgique» d'une époque qu'il n'a pas connue, Martin Faucher voulait recréer une ambiance d'urgence comme celle qui régnait lors de la Nuit de la poésie ou des grands spectacles sur la montagne du milieu des années 70.

«Je ne dis pas que ce spectacle est aussi important que la Nuit de la poésie, mais au niveau de la ferveur, de l'importance du moment présent, ça rejoint ça. Il y a des moments où il faut revendiquer, dénoncer, crier, clamer. Faisons-le.»

Le résultat est un spectacle énergisant, «grave et drôle», qui a le pouvoir de rendre tout le monde heureux, concepteurs comme spectateurs, quel que soit le contexte dans lequel il est présenté.

«Je ne voulais surtout pas que ce soit une soirée accablante. Le but était que les gens sortent en se disant: tout est possible. Oui, il y a des choses douloureuses à entendre, mais mon travail est de faire cohabiter la douleur et le bonheur, la fragilité et la force.»

En lisant tout ce qu'il a récolté, le metteur en scène constate avec plaisir que «les auteurs, au Québec, sont en santé". «Il y a vraiment une génération incroyable, d'une vitalité belle à voir, intelligente et lucide, en poésie, en théâtre et en littérature, mais aussi en chanson et en cinéma. Il y a des choses qui s'écrivent dans le monde de maintenant, et la soirée témoigne de cette diversité et de cette richesse.»

> Jusqu'où te mènera ta langue?, le 20 septembre, à l'auditorium de la Grande Bibliothèque. Info: www.festival-fil.qc.ca

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Sans censure

Pour créer le spectacle Jusqu'où te mènera ta langue?,le metteur en scène Martin Faucher a demandé aux auteurs invités de répondre à une série de questions dans un cahier Canada. Le résultat: des mots bruts qui font rire, qui dérangent et qui surprennent.

Si vous étiez élu maire de Montréal, comment seriez-vous habillé pour votre soir de triomphe?

Comme toujours, avec un complet italien. Même si c'est louche, l'Italie. - Alain Farah

Jusqu'où n'avez-vous jamais osé aller dans l'expression de votre violence, de votre perversité, de votre perfidie, de votre cruauté?

Je te ferai lécher de force les plinthes poussiéreuses de mon appart de misère, je créerai des oeuvres d'art à la Pollock avec le dropping de ton nez qui saigne à vif sur mes murs blancs. Je te ferai tester toutes les flûtes à bec usagées de l'Armée du Salut pour le salut de tes projets de feux sauvages. - Simon Boulerice

Imaginez le titre d'un roman, d'un recueil, d'une pièce qui vous hante depuis longtemps ou qui serait le moteur d'une oeuvre terrible ou merveilleuse à venir.

Fourrer le feu - Marjolaine Beauchamp

Pourquoi écrire à Montréal en cette fin d'été et en ce début d'automne 2013?

... Et faut-il dire monsieur et combien de pages et combien de mots et peut-on négocier la date de tombée et faut-il une page couverture, est-ce que l'orthographe compte et je n'ai pas bien compris la question, quand vous dites jusqu'où te mènera ta langue, dans quel sens employez-vous le mot langue? - Evelyne de la Chenelière

Si vous étiez maire de Montréal, qu'est-ce que vous feriez exploser right now dans notre chère ville?

Je ferais sauter tous les ponts pourris et toutes les écluses. Je remplirais les nids-de-poule et les crevasses dans le chemin avec de l'eau. Je forcerais tout le monde à changer son char pour des chaloupes et je rebaptiserais la ville Venise-en-Amérique (parce que Venise-en-Québec, c'est déjà pris). - Samuel Archibald