Le philosophe Raymond Klibanski a consacré sa vie à l'histoire. Non pas à l'histoire, classique, de la guerre et des conquêtes, mais à l'histoire des idées, des idées qui pouvaient soutenir le dialogue au service de la tolérance et de la justice. Une histoire, pourrait-on dire, de la conquête de l'Homme par l'Homme.

Que cet Allemand de naissance ait été un amant des livres ne surprendra personne; au siècle dernier, fréquenter Platon ou Nicolas de Cues le premier à poser le problème de la connaissance scientifique ne pouvait se faire autrement que par les livres. La bibliothèque de Klibanski, toutefois, par le nombre et la qualité des ouvrages, a de quoi impressionner ou émouvoir quiconque aime les livres, spécialiste ou profane.

Georges Leroux a étudié avec Klibanski à l'Université de Montréal et il l'a souvent visité à son bureau du pavillon Leacock de McGill où le maître entassait une partie de son impressionnante collection... «dans une pièce interdite aux visiteurs». «Jamais je n'aurais pensé qu'un jour j'aurais accès à ces trésors de l'humanité», dira Georges Leroux, commissaire de l'exposition Raymond Klibanski (1905-2005) - La bibliothèque d'un philosophe, inaugurée cette semaine à la Grande Bibliothèque.

Plus qu'une exposition de livres, il s'agit là du parcours d'un penseur dans l'histoire, depuis l'Antiquité, et dans son siècle. Bibliothèque et Archives nationales du Québec a eu la bonne idée de confier la mise en scène à l'homme de théâtre Alexis Martin. « J'ai voulu m'éloigner de la ligne droite et du rectangle «, nous a expliqué ce féru d'histoire antique. Il en résulte un parcours en ellipse où les 200 oeuvres et leur mise en contexte se déploient de façon quasi muséale en sept zones dont une, au fond dans une rupture de l'ellipse, évoque les autodafés du régime nazi. Klibanski, qui était juif, s'est enfui à Londres avant la guerre en emportant avec lui une grande partie des 80 000 ouvrages de la bibliothèque de l'historien de l'art Aby Warburg.

Alexis Martin a découvert entre autres que Raymond Klibanski, «un esprit hyper-structuré», s'était intéressé longuement à la mélancolie, «un sentiment diffus». Et quel livre de l'expo l'a troublé, lui, le diplômé de philosophie? «Le Timée de Platon, une édition de 1575...»

C'est là le génie de la chose: chacun trouvera dans cette exposition sur Raymond Klibanski au moins un titre qui le raccordera à l'histoire des idées. Et au rôle de ce grand humaniste dont le rôle, selon Georges Leroux, était de «rendre possible la discussion rationnelle dans un monde à la recherche de la paix».

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À la Grande bibliothèque jusqu'au 25 août.