Depuis six ans, le Salon du livre jeunesse de Longueuil témoigne de l'effervescence de la littérature jeunesse au Québec, mais aussi des efforts de tout un milieu pour amener les jeunes à la lecture. Un événement gratuit et convivial, qui connaît de plus en plus de succès.

«Cette année, nous visons les 10 000 entrées», dit la présidente du Salon, Brigitte Lépine. En 2007, 3890 personnes étaient venues au premier Salon du livre jeunesse, qui durait alors quatre jours -une cinquième journée a été ajoutée l'année suivante. En 2011, le Salon a accueilli près de 9000 visiteurs.

Les groupes scolaires le fréquentent en semaine, mais le week-end attire de nombreuses familles, de la Rive-Sud et d'ailleurs. «Notre force, c'est que nous sommes un salon à échelle humaine, souligne Brigitte Lépine. Les enfants y sont chez eux.»

Le comédien Vincent Bolduc est porte-parole depuis deux ans et dit être «tombé en amour» avec l'événement en observant ce qui s'y passait. «Les parents n'ont pas le choix de s'intéresser à ce que lisent leurs enfants quand ils viennent: il n'y a que ça à voir! Alors ça suscite l'échange, la discussion. Comme parents, nous savons quelle musique nos enfants écoutent, ce qu'ils regardent à la télé. Mais on ne sait pas ce qu'ils lisent.»

La mission première du Salon du livre de Longueuil est de faire venir le livre en milieu défavorisé. «C'est pourquoi nous tenons à la gratuité», souligne Brigitte Lépine. Le Salon n'est qu'un des volets de la Fête de lecture et du livre jeunesse qui, avec entre autres une Caravane de lecture qui se promène dans les écoles, crée une proximité avec les auteurs et rend le livre plus accessible et moins effrayant. «Quand on réussit à démontrer que lire, c'est amusant, on fait reculer le taux d'analphabétisme», dit Brigitte Lépine.

Pour la présidente et éditrice de la courte échelle, Hélène Derome, la tenue de ce salon montre comment, quand toute une communauté s'investit - municipalité, commission scolaire, Ministère-, on peut transmettre le plaisir de la lecture. «C'est vraiment une initiative du milieu, et non des éditeurs qui voulaient se donner une vitrine.»

La courte échelle n'a pas toujours été présente au Salon pour des raisons de logistique, mais y sera cette année «avec plaisir». Une trentaine d'éditeurs y tiennent un stand. «C'est une occasion pour nous de rejoindre exactement le public qu'on vise, de rencontrer des gens du milieu», explique l'éditeur Robert Soulières. Mais cette initiative serait difficile à reproduire ailleurs au Québec, estime-t-il, où les salons généralistes sont déjà très fréquentés par les jeunes. «Les éditeurs ne pourraient pas suivre non plus», croit Hélène Derome, qui rappelle qu'il y a énormément d'événements littéraires au Québec, et que ceux-ci drainent beaucoup de ressources. «Et puis j'aime bien l'idée que la littérature jeunesse soit incluse dans la grande famille littéraire. Mais ce qui est certain, c'est que nous n'aurons jamais trop de visibilité!»

Essor

La littérature jeunesse a connu un essor formidable au Québec depuis le début des années 2000. «On publie plus de livres jeunesse au Québec que dans le Canada au complet, souligne Élaine Turgeon, présidente de Communication-Jeunesse, organisme qui répertorie la production depuis 40 ans. Quand j'ai commencé comme auteure il y a 10 ans, il sortait environ 300 titres par année. L'an dernier, il y en a eu 700.» Ce nombre s'élevait à 550 cinq ans plus tôt. «Mais cette année, qui se termine en mars, il serait étonnant qu'on atteigne les 700», souligne la directrice adjointe de Comunication-Jeunesse, France Desmarais, qui remarque que la production a beaucoup augmenté chez les tout-petits et les ados.

«Il y a effervescence, mais seulement en apparence, estime Robert Soulières. Il y a trop de livres et trop d'éditeurs. Le marché est tellement engorgé qu'il finira par y avoir une élimination naturelle.» Les temps sont durs, donc. «Il y a toujours la même tarte, mais plus de gens se la partagent, explique Élaine Turgeon. C'est la pression économique qui va faire que ça va se régulariser. Plusieurs éditeurs vivent des difficultés en ce moment. Ça devrait se résorber, mais on ne sait pas quand.»

«C'est vrai qu'il y a trop de livres, mais pas les miens!», dit Hélène Derome en riant. La patronne de La courte échelle croit qu'on peut regarder le problème sous un autre angle. «Pourquoi n'y a-t-il pas plus de demande? Cela dit, oui, le marché est difficile. Et il y a aussi la concurrence européenne qui est très forte. C'est un problème aussi important que celui de la multiplication des éditeurs.»

Le Salon du livre jeunesse de Longueuil aura lieu du 8 au 12 février au Théâtre de la Ville de Longueuil. Info: fetedulivre.csmv.qc.ca