L'écrivain, dramaturge, scénariste, philosophe et, pour un peu, pianiste de concert, sera l'une des têtes d'affiche, non la moindre, du Salon international du livre de Québec, qui commence mercredi. Nous l'avons joint à Bruxelles, à la veille de son départ.

Eric-Emmanuel Schmitt, c'est Oscar et la dame rose, cette histoire merveilleuse qui réussit l'impossible: nous permettre d'apprivoiser le monstre du cancer chez un enfant. Mais ce n'est là qu'un succès parmi d'autres dans l'immense carrière qui porte sa renommée à l'échelle de la planète. Cartas a Dios (Lettres à Dieu), traduction d'Oscar, paraît tout juste dans une nouvelle édition à Madrid.

Mardi, il prononcera une conférence intitulée «À quoi sert la littérature?» En entrevue téléphonique, de Bruxelles qu'il habite, le Lyonnais d'origine a accepté de nous donner un avant-goût de la réponse qu'il apportera à l'auditoire: «La littérature est un instrument au service de la tolérance et de la complexité.» Il la voit comme «un voyage qui permet d'aller à la rencontre de l'autre». «J'écris, dit-il, pour explorer le labyrinthe humain.»

Les religions en font partie. D'où ce qu'il a appelé le Cycle de l'invisible, ces récits, dont le plus récent, Le sumo qui ne pouvait pas grossir, porte sur le bouddhisme zen. On y trouve de quoi se réconcilier avec la vie si besoin est. «Le but, ce n'est pas le bout du chemin, c'est le cheminement», dit le maître. «À l'envers des nuages, il y a toujours un ciel.»

Eric-Emmanuel Schmitt a la foi et ne s'en cache pas, «même si je sais, dit-il, que c'est politiquement incorrect». Elle lui vient d'une expérience initiatique dans le Sahara, au cours de laquelle il s'est abandonné au mystère. C'est arrivé en 1989. Il avait 29 ans. Depuis lors, l'agrégé de philosophie s'autorise à laisser gambader la folle du logis. De quoi faire mentir sa grand-mère. «Quand j'étais petit, je la soûlais avec mes histoires. Elle disait: «Tu vas perdre ton imagination et tes fossettes.» L'enfant a grandi et n'a rien perdu.

D'abord, il a écrit pour le théâtre. Rappelons-nous Le visiteur (Freud dialogue avec Dieu) ou Le libertin (Diderot, sujet de sa thèse de doctorat et d'un essai, dont il est l'auteur, occupe la scène).

L'une de ses pièces, Variations énigmatiques, sera jouée au théâtre de la Bordée à Québec, du 12 avril au 7 mai. Il sera présent à la première.

Liberté et émotions

Les romans ou les nouvelles se sont par la suite enchaînés. Qu'est-ce qui fait qu'Eric-Emmanuel Schmitt opte pour l'un ou l'une? «L'ampleur du sujet.» Son dernier recueil, Concerto à la mémoire d'un ange, pour lequel il a remporté en 2010 le prix Goncourt de la nouvelle, contient quatre textes. Des vies entières, mouvementées, torturées, brisées se racontent. Ce n'est pas pour rien que sainte Rita, patronne des causes désespérées, s'introduit en filigrane dans chacun des récits. L'auteur la voit comme un catalyseur, une sorte de «marqueur spirituel».

La liberté, thème récurrent chez lui, est au centre du livre. «J'ai tendance à croire, dit-il, qu'on peut intervenir dans son destin.» C'est le philosophe, ici, qui parle, l'homme qui sait manipuler les concepts. Mais l'émotion n'est pas mise de côté pour autant. C'est peut-être pour ça qu'on entre si facilement dans la vie des personnages.

Eric-Emmanuel Schmitt s'avoue «extrêmement émotif». Récemment, une personne, chez lui, s'est trouvée malade. Il en fut affecté au point d'être incapable de composer un numéro de téléphone.

Tous ceux qui ont lu Ma vie avec Mozart, celle de ses oeuvres où il en dit le plus sur lui, savent d'ailleurs l'importance des états d'âme. «C'est la thérapie par le beau», dit l'artiste qui fut guéri de la dépression à l'adolescence par la musique. «L'art apporte une raison de vivre.»

Dans la même veine, il a signé l'automne dernier Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent. Accompagné d'un CD, l'ouvrage nous apprend comment, après l'avoir étudié puis abandonné, il a renoué avec le compositeur. En allant voir Fidelio à Zurich, sans en avoir envie, et en être ressorti en larmes. «Avec Beethoven (frappé de surdité à 26 ans), c'est le courage de la joie, une joie conquise qui nous conduit à se réjouir de ce qui existe au lieu de s'attarder à ce qui manque».

Résolument, Eric-Emmanuel Schmitt se range du côté des optimistes. Il fait confiance, mais travaille fort. Avant de venir au Québec, il mettait le point final à son prochain roman. Un bouquin de 600 pages qui expose le destin d'une femme dans trois siècles différents.

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À quoi sert la littérature? Conférence d'Eric-Emmanuel Schmitt, en avant-première du Salon du livre de Québec. Centre des congrès de Québec, 12 avril, 18 h, www.silq.ca