L'écrivain Édouard Glissant, originaire de la Martinique et héraut du métissage et de la créolité, est décédé jeudi matin à Paris à l'âge de 82 ans, a-t-on appris auprès des éditions Galaade.

«Il est mort ce matin. Il était dans un état critique depuis quelque temps mais nous avons travaillé ensemble jusqu'au bout», a déclaré Emmanuelle Collas, directrice des éditions Galaade, qui ont publié une partie de l'oeuvre de l'écrivain.

Cité à plusieurs reprises comme possible choix pour le prix Nobel de littérature, cet écrivain amoureux de sa terre natale est l'auteur d'une oeuvre complexe, scandée entre poétique et politique, dans laquelle souvenirs, légendes, poésie, propos polémiques et réflexions théoriques se mêlent.

Si les poètes martiniquais Aimé Césaire et sénégalais Léopold Sédar Senghor se réclamaient de la négritude, Édouard Glissant défendait lui le concept de «créolisation». Le monde entier se créolise, relevait-il, et «entre dans une période de grande complexité et d'entrelacement tel qu'il nous est difficile de le prévoir».

Il est le concepteur du «Tout-monde» (ou du «chaos-monde»), pensée de l'errance et de l'accueil. Selon lui, cette pensée «débloque l'imaginaire» et ne peut que déboucher sur la notion de métissage ou plutôt de «créolisation», définie comme «métissage conscient de soi-même».

Après l'élection du premier président noir américain, il avait écrit en 2009 L'intraitable beauté du monde. Adresse à Barack Obama (Éditions Galaade).

Édouard Glissant a aussi publié des essais poétiques comme Traité du Tout-monde, du théâtre avec Monsieur Toussaint, une pièce inspirée par l'histoire du révolutionnaire haïtien Toussaint Louverture, et des romans comme Malemort, Le quatrième siècle, Mahagony ou La case du commandeur.

Il a ouvert la voie aux écrivains de la créolité, plus jeunes, tels que l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau.

Jeudi, le président français Nicolas Sarkozy a salué celui qui «aura plaidé inlassablement pour une approche de la diversité du monde fondée sur l'échange, le dialogue et la «poétique de la relation»».

Lors de sa dernière apparition publique, le 23 novembre à Paris, Édouard Glissant était apparu affaibli, en fauteuil roulant.

Né le 21 septembre en 1928 à Sainte-Marie, enfant d'une famille modeste et élève brillant, il a fait des études de philosophie à l'université parisienne de La Sorbonne en 1946.

Docteur ès lettres, il a obtenu en 1958 le prix Renaudot, l'une des plus importantes récompenses littéraires françaises, pour La lézarde. Militant activement contre le système colonial, opposé à la guerre d'Algérie, il fut expulsé des Antilles françaises pour ses idées indépendantistes et assigné à résidence en France métropolitaine au début des années 60 par le pouvoir du général de Gaulle.

De 1982 à 1988, il dirige la revue Le Courrier de l'Unesco. Il a aussi enseigné aux États-Unis: en Louisiane à Bâton-Rouge et à la City University de New York où ses leçons sur l'écrivain américain William Faulkner ont fait autorité.

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a d'ailleurs rendu hommage à cet «ambassadeur de la créolité» qui était aussi «un remarquable ambassadeur de la culture Française à travers le monde, notamment aux États-Unis».