Dure période pour les amateurs de polars! Au cours des derniers mois, plusieurs de nos personnages favoris ont disparu de manière souvent dramatique: Elizabeth George a éliminé brutalement la femme de Thomas Lynley, Karin Slaughter a trucidé le shérif Tolliver dans l'explosion d'une boîte aux lettres piégée, Henning Mankell a envoyé Kurt Wallander à la retraite dans des conditions tragiques et Ake Edwardson a noyé son commissaire Winter. Un vrai jeu de massacre! Et voici que Ian Rankin met fin aux aventures de John Rebus, l'un des flics les plus populaires du polar contemporain.

En effet, Exit Music est le dernier volet de cette remarquable série. À quelques jours seulement d'une retraite qu'il voit venir avec appréhension, John Rebus enquête sur le meurtre d'un poète russe dissident, une affaire complexe aux ramifications politiques qui va le confronter une fois de plus au gangster Big Ger Cafferty, caïd d'Édimbourg qu'il n'a jamais réussi à arrêter. Pourra-t-il finir sa carrière sur un coup d'éclat et mettre fin, une fois pour toutes, aux agissements criminels du bandit? Rien n'est moins évident car, une fois de plus, ses supérieurs s'en mêlent: trois jours avant son départ, il est mis à pied, ce qui confirme son diagnostic selon lequel le problème vient de l'establishment, et non pas de la pègre. Exit Music est sans doute l'un des meilleurs romans de Ian Rankin, mais les fans de la série auront peut-être du mal à lui pardonner une finale en forme de point d'interrogation. Si l'affaire du meurtre du poète est bien résolue, le destin de Big Ger Cafferty est en quelque sorte remis entre les mains des lecteurs, qui devront décider de son sort. Bref, il y a quelque chose de frustrant dans cette finale inachevée, une fausse note dans cette musique de départ. Dommage...

Exit Music

Ian Rankin

Le Masque

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Retour inespéré

On se consolera avec le retour inespéré de l'inspecteur Charlie Resnick dans Cold in Hand de John Harvey, qui avait mis fin à cette excellente série en 1998. Proche de la retraite, Charlie est en ménage avec sa jeune collègue Lynn Kellog, avec qui il file le parfait amour jusqu'au jour où le destin frappe de manière brutale et inattendue. Resnick est jugé «inapte au travail» et Karen Shields, inspectrice venue de Londres, s'occupe des enquêtes de Lynn. Du même calibre que les Connelly, Rankin et autres Robinson, John Harvey est un des auteurs de romans noirs les plus sous-estimés du moment comme le prouve ce récit dur, brutal, sans concession qui met en lumière la difficulté d'être un policier de la vieille école dans ce monde hyper criminalisé auquel est confronté la soi-disant «nouvelle police» gangrenée et lourdement handicapée par le «politiquement correct». D'une noirceur totale, avec quelques péripéties bouleversantes, Cold in Hand est sans doute l'un des meilleurs polars à paraître au cours des derniers mois...

Cold in Hand

John Harvey

Rivages, 368 pages

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Machiavélique

Autre consolation pour l'amateur exigeant: la parution du Marchand de sable va passer, roman à suspense d'Andrew Pyper (son quatrième, mais le premier traduit), une des grosses pointures du polar canadien. Patrick Rush, ancien critique littéraire dépressif, vient de publier un thriller devenu un best-seller. Mais ce roman n'est pas le sien: il s'est approprié l'histoire d'une jeune femme rencontrée dans un atelier d'écriture et morte plus tard dans un accident de voiture. L'affaire tourne au cauchemar quand «le marchand de sable», tueur en série de son roman, commence à éliminer les membres du cercle littéraire fréquenté par l'auteur et que Patrick devient le principal suspect. Pyper sait jouer à merveille avec les nerfs de ses lecteurs, sans abuser d'artifices ou de fausses pistes. Cette histoire machiavélique et retorse est en cours d'adaptation au cinéma. Précisons qu'Andrew Pyper a fait une entrée remarquée sur la scène du polar canadien en 1999, avec Lost Girls (inédit en français), qui a remporté le prix Arthur Ellis Award dans la catégorie «premier roman». Un auteur à découvrir!

Le marchand de sable va passer

Andrew Pyper

Archipel, 346 pages

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