Pour les célèbres - et controversés - prix littéraires du mois de novembre à Paris, il y a cette année de solides aspirants qui se détachent du peloton de tête. Même si, dans ce domaine, les pronostics ne sont pas une science infaillible.

Dans le milieu de l'édition, on a tranché: le prix Goncourt ne devrait pas échapper à Michel Houellebecq. Son roman, La carte et le territoire (Flammarion), est déjà un énorme succès de librairie - 190 000 exemplaires vendus - et les critiques ont été dithyrambiques. Ce qui n'allait pas de soi : le misanthrope fantasque ne manque pas d'ennemis dans le milieu littéraire. Et son roman précédent, La possibilité d'une île, soutenu en 2005 par une campagne de promotion beaucoup trop voyante de la part des éditions Fayard, avait complètement raté la cible du Goncourt.

Cette année, chacun estime que Houellebecq a retrouvé une véritable inspiration. Et les Goncourt, de l'avis général, doivent se faire pardonner de l'avoir écarté in extremis en 1998 pour Les particules élémentaires, un de ses deux meilleurs romans. À moins que ne se forme chez Drouant une coalition d'irréductibles anti-Houellebecq.

Autre menace virtuelle: le Goncourt et le Renaudot sont attribués le 8 novembre. Cette année, le jury du Femina proclamera son lauréat le 2. Il pourrait en théorie faire un pied de nez au Goncourt et lui «voler» le Houellebecq. Mais on ne croit pas trop à ce scénario. Le jury Femina, à forte coloration Gallimard, pourrait fort bien couronner Patrick Lapeyre, dont le joli et intelligent roman La vie est brève et le désir sans fin a été bien reçu par la critique. Et qui est publié chez P.O.L., filiale de Gallimard.

Un provocateur dans la course

Du côté du prix Renaudot, décerné juste après le Goncourt, un ovni littéraire a fait son apparition-surprise sur la liste des finalistes. Il s'agit du pavé de Marc-Édouard Nabe, L'homme qui arrêta d'écrire. Sur 686 pages, un véritable jeu de massacre, où deux influents jurés Renaudot, Franz-Olivier Giesbert et Patrick Besson, entre autres personnalités littéraires parisiennes, se font traîner dans la boue. Raison de plus pour jouer les grands seigneurs et couronner ce pamphlet au vitriol.

Curiosité suprême: Nabe s'est autoédité et ne vend son livre que par internet. La bataille risque d'être homérique au Renaudot, car Nabe, qui avait commencé sa carrière en 1985 avec Au régal des vermines, est un grand provocateur, grand soutien de Saddam Hussein à qui il avait rendu visite à la veille de la guerre de 2003, souvent accusé d'antisémitisme.

Au prix Médicis, décerné le 3 novembre, Le siècle des nuages de Philippe Forrest, chez Gallimard, arrive en tête des pronostics. Mais Antoine Volodine, avec Écrivains (Seuil), reste un choix possible. Tout comme Maylis de Kerangal, dont Naissance d'un pont (Verticales) figure sur presque toutes les listes.

Quant au prix Interallié, proclamé le 16 novembre, où la maison Grasset domine, le biographe et journaliste Claude Arnaud est donné favori pour Qu'as-tu fait de tes frères? (Grasset).

Dans le domaine étranger, on ne peut éviter la révélation de la saison: Purge, roman «stalinien» de la Finlandaise Sofi Oksanen, qui a déjà obtenu le prix Fnac et figure sur les listes du Femina et du Médicis. Ainsi que dans le tableau des meilleures ventes de l'automne.