L'aviateur et photographe aérien Mario Faubert fait découvrir les beautés insoupçonnées du Grand Nord québécois dans un beau livre à mi-chemin entre l'album naturaliste et le livre d'art.

Lors d'un voyage au Pérou où il faisait de la photo aérienne, le pilote et photographe aérien Mario Faubert a eu une révélation en voyant un reportage sur les ours polaires à la télévision: «J'ai chez moi un petit trésor que je n'ai jamais vu!»

Le plus loin qu'il avait été au Nord, c'était la Baie James. En juin 2007 et juillet 2008, à bord d'un Cesna 172, il a donc effectué deux voyages au Nunavik, le Grand nord québécois. Il en a rapporté des tonnes de clichés, souvent surprenants et d'une grande beauté, sur ce territoire inconnu des gens du Sud et inaccessible par voie terrestre.

Pourquoi y être allé l'été? Parce que pour la majorité des gens, le Nunavik est synonyme d'étendues neigeuses, désertes et glacées. Et qu'il y a beaucoup plus à découvrir. Des plages de sable, des falaises dorées, des marées stupéfiantes - parmi les plus hautes au monde -, des eaux turquoise qui rappellent les Caraïbes, d'étonnants rapides «réversibles» et le toujours spectaculaire cratère Pingualuit, laissé par un météorite.

Ces paysages en deviennent presque abstraits, à la manière des photos de celui qu'il considère comme son mentor et son «guide vers l'excellence en photographie aérienne», le Français Yann Arthus-Bertrand.

D'abord pilote de ligne et corporatif, Mario Faubert a ajouté la photo à son arc et fondé Air Photo Max. Il a par la suite fait partie de l'équipe de photographes aériens de l'agence Altitude, dirigée par Arthus-Bertrand. L'auteur de La Terre vue du Ciel signe d'ailleurs un texte dans le livre de Faubert. Nous n'appartenons pas à la Terre. C'est nous qui lui appartenons, écrit-il, ajoutant que le livre de Mario Faubert est «beau et utile» parce qu'il nous le rappelle de manière très forte.

En décembre dernier, l'agence Altitude a redonné aux photographes les droits sur leurs photos. Mario Faubert a eu aussitôt l'idée de faire un livre avec ses photos du Nunavik (à ne pas confondre avec le Nunavut, qui comprend l'extrême nord du territoire canadien et s'étend vers l'ouest jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest).

Il ne redoute pas la comparaison entre son ouvrage et ceux de Arthus-Bertrand. Leurs approches sont différentes, dit-il. L'écologiste français prend des photos pour sensibiliser les gens à la protection de la Terre. «Moi, je veux surtout en faire connaître la beauté.»

La question environnementale n'en est pas moins présente dans son livre. Trilingue (français, anglais, inuktitut), il donne la parole à une douzaine de personnalités, des Inuits, des Blancs vivant au Nord et des personnalités comme les chanteuses Elisapie Isaac et Chloé Sainte-Marie et l'activiste écologiste Sheila Watt Cloutier, en nomination pour le Prix Nobel de la paix en 2007.

«L'Arctique n'est pas une contrée sauvage à la limite des terres habitées: c'est notre pays natal et notre patrie», écrit-elle dans la préface. «Le réchauffement du climat arctique n'est pas qu'un problème environnemental aux conséquences économiques déplorables mais une question humaine qui met en jeu le gagne-pain, la nourriture et la survie individuelle et culturelle d'un peuple.»

«Lorsque nous ne pourrons plus chasser sur les glaces et manger ce que nous chassons, nous n'existerons plus en tant qu'Inuits.»

Défis techniques

Lors de son premier voyage, le brouillard a obligé Mario Faubert à rebrousser chemin. Son avion disposait de 8 heures d'autonomie, un détail crucial puisqu'on compte six heures de vol entre La Grande et Kuujjuaq. «On a traversé tout le Québec!». Son appareil nécessitant un type de carburant particulier, il a fallu l'acheter à l'avance, se le faire «livrer» au Nord et le pomper soi-même dans l'avion.

Autre détail et non le moindre: Mario Faubert fait ses photos tout en dirigeant son avion. «Comme ça, je vais me positionner exactement où je veux.» Et contrairement à d'autres photographes qui utilisent un hélicoptère pour demeurer immobile, il préfère l'avion. Il a développé ses propres techniques, explique-t-il.

Et les caribous, comment leur fixe-t-on rendez-vous dans l'immensité? Ils sont d'autant plus difficiles à trouver que la couleur de leur pelage se marie à la terre, comme la réflexion d'un miroir.

Là aussi, il a un truc: le ministère de la Faune a bagué des femelles des deux grands troupeaux de caribous qui sillonnent le Grand Nord. Par satellite, on connaît chaque semaine leur position. Ce qui explique que Mario Faubert ne les a cherché qu'une... vingtaine de minutes, du haut des airs.

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Nunavik: Québec inconnu. Mario Faubert. Éditions du Passage. 181 pages, 49,95 $.

Une exposition itinérante d'une trentaine de photos tirées du livre est en cours jusqu'au 12 novembre. Pour info sur le livre: https://www.airphotomax.com/