On l'attendait au tournant. Il est de retour, avec La carte et le territoire (Flammarion), un roman encensé par la critique, et qui fait indéniablement l'événement de cette rentrée littéraire. Tout au sommet d'une pyramide comptant 701 romans français et étrangers.

Cela faisait deux ans qu'on n'avait plus de nouvelles de Michel Houellebecq. Le romancier français le plus controversé des 15 dernières années, mais aussi le plus célèbre dans son pays et à l'étranger, n'avait pas fait parler de lui depuis octobre 2008, date de la publication de ses dialogues avec Bernard-Henri Lévy, Ennemis publics. Un lancement précédé d'un battage médiatique tellement énorme - journaux télévisés en direct, etc. - que l'opération avait tourné au fiasco en librairie.

Son roman précédent, La possibilité d'une île, en 2007, avait été lui aussi accompagné de tels roulements de tambour - black-out total avant la sortie, annonce d'un film, etc - que sa carrière en librairie avait tourné court. Une forme de justice immanente, car ce quatrième roman n'était qu'une nouvelle et mauvaise variante des Particules élémentaires, et semblait avoir été écrit sous la direction d'un spécialiste en marketing.

Cette année, ni cachotterie ni grandes manoeuvres. Le roman a été traité comme les autres. Résultat: Michel Houellebecq se retrouve tout naturellement super vedette de la saison. Porté aux nues par des journaux aussi différents que Le Monde, Libération ou Le Point, qui lui consacraient ce même jeudi des pages entières.

À juste titre. La carte et le territoire est, comme les précédents, un roman pessimiste et postapocalyptique (nous sommes déjà morts mais nous l'ignorons), mais également bien ficelé, habile et très drôle. Le narrateur est un jeune artiste d'avant-garde désabusé qui ressemble beaucoup à l'auteur. Pour le catalogue de sa prochaine exposition, il fait appel au «célèbre romancier» Michel Houellebecq. Celui-ci, au milieu du roman, est d'ailleurs assassiné en même temps que son chien. Si bien déchiquetés, qu'on ne parvient pas à identifier leurs restes. Sur un mode plus léger, le héros fréquente également des animateurs de télé, Teresa Crimisi, la patronne de Flammarion, Jeff Koons ou Frédéric Beigbeder. On s'amuse bien après la fin du monde.

Les étrangers à l'honneur

Autre mauvais garçon et vedette incontestable de septembre: Bret Easton Ellis, l'un des plus brillants romanciers américains. de la nouvelle génération. Vingt-cinq ans après Moins que zéro, il reprend les mêmes personnages de fils de bonne famille plus ou moins détraqués, qui balancent entre la ligne de coke, le sexe rapide et le meurtre. Ça s'appelle Suite(s) impériale(s), et c'est salué à Paris par une presse unanime (Robert Laffont).

Même traitement royal pour le Prix Nobel et romancier sud-africain J.M. Coetzee, qui publie son autobiographie fictive, L'été de la vie (Seuil). Il s'agit du troisième volet, qui commence en 1972, à l'âge de la maturité: une construction subtile, qui mêle un faux journal intime, cinq récits inventés, tout cela pour arriver à «l'horreur sociale, raciale, sexuelle», comme l'écrit Le Point.

Autre grand écrivain «étranger», grinçant, scandaleux pour certains, virtuose pour d'autres: Yann Martel, dont la nouvelle fable animalière ne passe pas inaperçue, car elle porte sur la Shoah. Béatrice et Virgile (214 pages) est également traité par les médias comme l'un des événements de la rentrée. Deux pages dans Le Point, trois dans Le Nouvel Observateur etc. «Une parabole métaphysique réussie sur le Mal contemporain», écrit Michel Schneider.

Du côté des romans français, faut-il signaler qu'Amélie Nothomb vient de publier son 23e (ou 27e)roman de septembre, Une forme de vie (Albin Michel). Des oeuvres de plus en plus courtes, mais qui continuent de ravir les lecteurs fidèles. Mlle Nothomb est de nouveau numéro un dans les ventes. Et sans être encensée, elle est plutôt bien traitée par la critique.

Virginie Despentes (Apocalypse bébé) appartient à la catégorie des romanciers plus rares. Son premier roman publié depuis des années est salué par une critique abondante et enthousiaste. La voyoute provocatrice est traitée comme une classique ou presque.

Qui d'autre? Sachez qu'un autre mauvais garçon de la nouvelle génération est de retour. Vincent Ravalec publie chez Fayard Cantique de la racaille opus 2. Marc Dugain, romancier apprécié de l'histoire contemporaine, publie L'insomnie des étoiles (Gallimard), une intrigue se situant dans le Berlin de 1945. Et, pour terminer cette liste bien arbitraire, signalons le roman du belge Bernard Quiriny, Les Assoiffées (Seuil), une fable politique où, dans les années 70, le Benelux est devenu une dictature totalitaire féministe. L'auteur, connu des happy few, avait déjà écrit L'angoisse de la première phrase et les Contes carnivores.

Ça donne envie de le lire.