Aller à la guerre. Pas parce qu'on est soldat ou patriote, mais y aller de plein gré. Avec un calepin et un stylo, malgré les bombes et les preneurs d'otage. Depuis 15 ans, de l'Afghanistan à la Tchétchénie, c'est la vie qu'a choisie la correspondante française Anne Nivat. Juste avant de repartir vers l'Irak, la journaliste est passée à Montréal hier. Nous l'avons rencontrée.

Un «caméléon». Une «éponge». Ces images reviennent souvent chez Anne Nivat, correspondante de guerre qui boude les sentiers battus du journalisme pour revendiquer le temps et l'importance de se mêler à la population. Pour raconter, sans juger.

Anne Nivat est connue pour ses reportages publiés dans Libération, Le Point, La Presse également. De ses longs séjours à l'étranger, elle a aussi tiré quelques livres dont Chienne de guerre (Fayard, 2000), sur la Tchétchénie et Bagdad Zone Rouge (Fayard, 2008) sur l'Irak. Elle en prépare un nouveau sur la Russie, pays qu'elle connaît bien pour y avoir vécu pendant 10 ans.

Habituée à jouer les caméléons pour mieux se fondre dans l'univers de son sujet, Anne Nivat a cependant laissé entrer la bédéiste Daphné Collignon dans le sien. En résulte cette bande dessinée originale, Correspondante de guerre, pas tout à fait portrait, ni récit non plus, où s'entremêlent souvenirs de la journaliste et réflexions de la bédéiste. Une fenêtre ouverte sur Anne Nivat, mais surtout, insiste la journaliste, «sur le métier que l'on fait».

Pigiste et libre

Elle a choisi, délibérément, de rester pigiste, ce qui lui a permis de rester à l'abri des contraintes journalistiques que vivent les salariés qui doivent écrire toujours plus vite, plus court, sur l'actualité brûlante. «Les livres, c'est des reportages plus longs dans lesquels je peux enfin mettre tous ces détails, ces nuances que je ne pourrais jamais écrire dans un journal normal, parce qu'il n'y a pas de place», nous a-t-elle confié hier, en entrevue.

Parmi ses inspirations, le journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, connu pour ses récits de voyage en Afrique. Ces dernières semaines, des informations ont cependant révélé que Kapuscinski a décrit dans ses récits des événements auxquels il n'avait pas assisté. Ces éléments laissent la journaliste songeuse.

«C'est très compliqué», dit-elle. Elle cite une autre de ses inspirations, le correspondant italien Curzio Malaparte, «dont les plus belles pages sont très littéraires, s'éloignent du concret, de la complexité d'une situation». «C'est un peu la même chose pour Kapuscinski, comme s'il s'était laissé emporter par la force d'une situation et que, pour réussir à la rapporter, en prenant ce qu'il estimait être le meilleur ton, il a pris quelques libertés avec la vérité. Je pense qu'on peut leur pardonner, parce que la vérité en tant que telle n'existe pas.»

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Correspondante de guerre. Anne Nivat, Daphné Collignon. Éditions Soleil Productions, 2008, 24,95 $.