La nouvelliste Alice Munro, à 78 ans, s'est payée une petite traite, et pourquoi pas après tant de carrière? Elle a choisi d'écrire sur ses racines écossaises à partir de ce long voyage en bateau qui est le rite de passage de chaque immigrant.

Dans la nouvelle qui donne à ce livre son titre, Du Côté de Castle Rock, Munro nous transporte jusqu'en Écosse, d'où est partie sa famille, les Laidlaw. Personne ne quitte son pays natal le coeur léger, mais les Laidlaw n'avaient vraiment pas le choix. Ils venaient d'une vallée qui n'avait «aucun avantage» (l'expression vient des archives de là-bas) et eux n'y avaient aucun avenir. Un seul choix: l'immigration. Le voyage était long, assez long pour permettre aux bébés de naître, et aux vieux de trépasser.

Munro nous décrit le passage en historienne, et cette perspective est plutôt inhabituelle pour elle, l'écrivain de l'âme féminine. L'histoire de ses ancêtres ne nous apporte rien de nouveau. Mais lorsqu'elle se penche sur la vie des Laidlaw d'aujourd'hui, ou du passé récent, dans la deuxième partie du livre, là nous retrouvons la nouvelliste de génie.

Dans Employée de maison, une fille de fermier est embauchée pour servir dans une maison de vacances de riches Torontois; elle aura amplement de temps pour observer leurs moeurs. Dans Des pères, des filles vont tenter de comprendre à quoi servent les hommes, à part gagner un salaire. Alice Munro est une des voix incontournables du Canada anglais, et l'artiste de la nouvelle par excellence - c'est le moment de l'aborder.

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Du côté de Castle Rock. Alice Munro. Traduction de Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, Boréal, 352 pages.