«Le livre, une affaire de famille». C'était le thème de ce 32e Salon du livre qui se terminera aujourd'hui à 16h après que les dernières hordes d'écoliers - 18 000 depuis mercredi dernier - seront reparties de cette affaire de famille qui, dans leur cas, se sera passée sans les parents. Hyper-cool.

Dans la cohue d'hier, toute familiale celle-là, le Salon tirait ses dernières salves. Chez Michel Brûlé, des centaines de personnes ont fait la file pour se faire dédicacer une ou deux copies (la deuxième pour leur beauf fédéraliste) de La souveraineté du Québec - Hier, aujourd'hui et demain de Jacques Parizeau. Plus de 1000 copies vendues, nous a dit l'éditeur en soulignant que 500 représentait déjà un plateau exceptionnel. Aux Intouchables, l'autre enseigne de Brûlé, la file des fans d'Aurélie Laflamme faisait quasiment le tour de la place en avançant à petits pas: «Ça déménage pas vite», nous a dit un père patient, en faisant référence au dernier titre d'India Desjardins, invitée d'honneur et star féminine de ce Salon.

Les autres gros vendeurs, dans le désordre: L'énigme du retour de Dany Laferrière, bien sûr, le prix Médicis du Boréal; La Renarde et le mal peigné, les fragments de correspondance de Pauline Julien et Gérald Godin (Leméac); Vers un pacte de l'eau de Maude Barlow (Écosociété); La Frousse de Bruno Blanchet et Le Dernier Continent de Jean Lemire (Éditions La Presse). «Salon de hockey» aux Éditions de l'Homme où Les légendes des Canadiens de Léandre Normand et Pierre Bruneau a fait un tabac comme La carte des desserts de Patrice Demers.

Au stand des Coups de tête (400 Coups), une seule photo: celle, angélique, de Nelly Arcan qui s'est enlevé la vie le mois dernier. Sur la table, une pile de Paradis, clef en main qu'on ne finit plus de refaire. «Son dernier cadeau», nous dit l'éditeur Michel Vézina. «Ç'a tellement pas d'allure, tout ça...» Deuxième: Morlante de Stéphane Dompierre, toujours vivant.

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Chez les invités internationaux, Claude Hagège s'est avéré le plus spectaculaire par sa verve et la vastitude de ses connaissances. Sur l'histoire sociale du Québec, toutefois, il lui en manque un brin... «J'ai grandi, comme vous tous, avec Stendhal, Balzac et Flaubert», a dit l'éminent linguiste à la cérémonie d'ouverture. M. Hagège s'est probablement fié à Mireille Deyglun, la porte-parole du Salon, qui répète sans cesse comment elle fréquentait les grandes oeuvres dès sa plus tendre enfance. Grand bien lui fasse. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Au milieu du siècle dernier encore, outre le missel, l'Almanach du peuple Beauchemin, avec la photo du Canadien en couverture, était le seul livre de bien des salons de la province, Balzac et Flaubert? Connus de la seule minorité «instruite» au-delà de la petite école du peuple que le rouge et le noir, aujourd'hui encore, ramènent plus certainement au comptable qu'à l'écrivain.

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Lise Bissonnette, elle, dans sa rude Abitibi, avait des Reader's Digest... «Traduits de l'américain», précisait-elle vendredi dans son discours d'acceptation du prix Fleury-Mesplet - 1734-1994, l'imprimeur du premier journal francophone de Montréal - qu'elle a reçu pour son apport au progrès de l'édition québécoise. Le marché du livre comptant «plus de pire que de meilleur», «le devoir de proposition devient plus nécessaire que jamais», a soutenu l'ancienne PDG de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Devoir des journalistes littéraires qui ne doivent pas craindre «d'émettre une opinion qui fasse une distinction entre la littérature et la malbouffe imprimée». Devoir des professeurs à qui les «nouveaux programmes» permettent de mettre «sur le même pied Lucky Luke et la Chanson de Roland, Molière et Loco Locass». Roland qui?

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La meilleure citation du Salon: Anne Villeneuve, lauréate du prix Marcel-Couture pour Chère Traudi, à qui je demandais mercredi quels étaient ses plans: «Je vais continuer à écrire des livres qui vont me surprendre moi-même»... La meilleure nouvelle: la mise en ligne par BAnQ de 21 des 51 titres de la Bibliothèque du Nouveau Monde des Presses de l'Université de Montréal (http://bnm.banq.qc.ca) et de l'intégrale du Boréal Express (1962-1967) des éditions du Septentrion qui vient de lancer une nouvelle édition de ce journal qui relate, au présent - «Mon fils veut épouser une sauvagesse», l'histoire de la colonie entre 1524 et 1841. Un joyau (http://borealexpress.banq.qc.ca)...

Suggestions de cadeaux (Alire) à me faire bientôt: La Faim de la terre de Jean-Jacques Pelletier et hell.com de Patrick Sénécal. Moi, je vais vous acheter un livre de recettes que vous n'avez pas, okay? À table en Nouvelle-France d'Yvon Desloges (Septentrion): «Alimentation populaire, gastronomie et traditions alimentaires dans la vallée laurentienne avant l'avènement des restaurants». Et de leur carte de «mets canadiens». Il ya dans ce livre magnifique - j'achète juste des beaux cadeaux - 42 recettes: une par semaine jusqu'au prochain Salon, avec, comme les profs, deux mois et demie de vacances. Pour lire.