«À l'origine il y a le viol.» Comme mythe fondateur, on a vu plus réjouissant, mais Véronique Ovaldé ne fait pas dans le bonbon, quoique qu'elle flirte avec les fées.

Armée d'une phrase inventive et d'une l'ironie mordante, l'auteure fait tomber les mots comme des couperets, provoquant le rire comme la peur et l'indignation.

Au gré de sa folle imagination, elle nous emmène dans la mythologie scabreuse d'un pays imaginaire d'Amérique du Sud, qui rejoint le réalisme merveilleux de ces terres qui ont enfanté des personnages aussi fabuleux que pragmatiques.

Fable noire, satire grotesque, conte cruel, Ce que je sais de Vera Candida échappe aux catégories comme à toutes les captures, à la manière de ces trois générations de femmes mises en scène, une lignée de filles-mères mélancoliques, des battantes luttant contre la tyrannie d'un monde dominé par des forces hostiles.

D'une Rose Bustamente, ex-prostituée, pêcheuse de poissons volants, à une Vera Candida travaillant de nuit à la préparation de paniers-repas, réfugiée au Palais des Morues, un foyer pour jeunes mamans perdues, on suit la filiation de ces amazones tropicales plongées dans la crasse.

Dans ce monde «pourri comme une vieille prune blette», les princes charmants sont des violeurs et les femmes, des résistantes révoltées contre la domination masculine. Le rire rose et noir d'Ovaldé, mélange de féerie et de réalisme tragique, injecte de la fantaisie dans le paysage français plutôt gris, mariant les registres et faisant du roman un terrain de jeu pour la romancière cinglante, mais aussi poète et grande conteuse au coeur sensible.

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Ce que je sais de Vera Candida. Véronique Ovaldé. Éditions de l'Olivier, 293 pages, 29,95 $.