Certains ouvrages nous profitent par le seul poids de leurs enseignements, alors que d'autres s'imposent d'abord comme cadre de réflexion.

Simon Brault nous propose le meilleur de deux mondes dans Le Facteur C - L'avenir passe par la culture, lancé, et ce n'est pas un hasard, au moment où s'amorce la dernière ligne droite vers le scrutin municipal du 1er novembre. Dont on ignore encore si l'issue rapprochera ou éloignera Montréal de ce titre de «métropole culturelle», une utopie qui place la culture au centre du projet de «réinvention du vivre ensemble».

En tant que premier président élu de Culture Montréal - il est aussi dg de l'École nationale de théâtre et vice-président du Conseil des arts du Canada -, Simon Brault a rassemblé depuis 10 ans des cerveaux et des énergies et mené la réflexion sur la place que devraient occuper l'art et la culture dans nos vies. Et dans nos villes qui, avec plus des trois quarts de la population mondiale, s'avèrent des lieux de «médiation culturelle» sans précédent dans l'histoire de l'Homme.

Dans notre ville, mal emmanchée et mal aimée, l'exercice de réflexion auquel ont participé tant les milieux socioéconomiques que culturels au Sommet de 2001 - «L'art et la culture ne sont pas et ne doivent pas être l'apanage du secteur culturel» - a d'abord conduit à l'adoption d'une politique culturelle, en 2005. Mais sans les moyens pour l'activer. Qu'à cela ne tienne! Plus tard, Gérald Tremblay a tenu sa promesse (Brault et consorts se sont assurés qu'il n'oublierait pas...) d'organiser le Sommet de novembre 2007, qui allait mettre Montréal «dans le peloton de tête des villes culturelles de la planète sur le plan philosophique».

Cela ne fait pas de Simon Brault, homme d'action d'abord, un philosophe de la culture ni de son Facteur C un traité d'histoire, bien que l'ouvrage soit riche en la matière, expliquant entre autres l'évolution des politiques culturelles au Québec, au Canada et ailleurs, depuis la Deuxième Guerre mondiale. Avec, en parallèle, l'émergence de concepts comme l'open work, qui dit en gros qu'il n'y a pas d'oeuvre sans public, aux trois T de Richard Florida, inventeur du concept de «classe créative»: talent, technologie, tolérance. Avec Gérald Tremblay, qui a livré la place des Festivals comme amorce du Quartier des spectacles, ça fait bien quatre T, mais il semble que cela pourrait changer...

Au-delà du survol des nécessaires relations entre la culture et l'économie, Le Facteur C a le mérite de nous offrir certaines mises en garde contre ceux qui se servent de la culture comme «hameçon pour la consommation» ou qui voient dans la vastitude de l'offre - «Y'en a des centaines de shows...» - une garantie de l'accès populaire à la culture. Fausse équivalence. À l'autre bout du spectre, des élites jalouses aimeraient garder leur art au-dessus de tout ce débat: «Le sentiment d'exclusivité, écrit Simon Brault, n'apporte rien à l'art.»

L'art «garant d'une aspiration à la civilisation». M. Brault écrit clairement et il est évident qu'il veut s'adresser ici au plus grand nombre. Il reste que certains chapitres - comme celui sur l'universalisme opposé au relativisme culturel - ne sont pas pour toutes les bourses. Parce que le propos est vital, toutefois, Le Facteur C mérite l'effort.

De la part des professionnels métropolitains de la culture, cela va de soi, mais aussi des autres acteurs culturels, présents et futurs - combien de nouveaux élus le 1er novembre? - partout dans les 1100 villes et villages du Québec. Là comme ici, la culture s'ouvre, rencontre l'économie et l'écologie, invitant les décideurs de tous niveaux à «penser global, agir local» pour encourager la participation culturelle de leurs concitoyens-électeurs.

Quant à «Montréal, métropole culturelle», l'heure est maintenant, s'il faut en croire Simon Brault. Le Facteur C ne sonne peut-être pas toujours deux fois...

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LE FACTEUR C - L'avenir passe par la culture. Simon Brault. Voix Parallèles, 164 pages, 26,95 $