Comment se définit-on? Par la filiation? Par le genre? Par la géographie? Par l'appartenance? La journaliste Valérie Lessard dresse 14 portraits intimistes de personnalités bien connues du public autour de la question identitaire.

«Il y a environ un an, je cherchais un projet qui allierait mes deux facettes préférées du métier, soit les rencontres et l'écriture, explique la responsable du cahier des arts du quotidien Le Droit. Le sujet, l'identité, est arrivé très instinctivement parce que je sens depuis toujours deux pôles en moi: une part d'inné, mystérieuse probablement parce que j'ai été une enfant adoptée, et une part formée de mes acquis au fil des ans. Cette cohabitation m'a toujours fascinée. Je me suis dit que les autres vivaient sans doute la même chose, à divers degrés.»

Les questions identitaires ne sont certes pas l'apanage des enfants adoptés. «Ces questions de racines sont peut-être dans l'air du temps, concède-t-elle. Évidemment, la crise des accommodements raisonnables a remué le tout. Mais je voulais à tout prix m'en dissocier. C'est pour ça que je n'ai pas rencontré de politiciens. J'ai tenté d'éviter les lignes démagogiques, ça ne m'intéressait pas. Je m'intéressais davantage à l'intime. Et j'ose croire que certains lecteurs vont, comme moi, avoir une chance de mieux se situer par rapport à qui ils sont grâce à ces témoignages.»

Parmi les 14 personnalités choisies, on retrouve Zachary Richard mais aussi Max Gros-Louis, Florence K et Dany Laferrière. «J'ai tenté de trouver des gens qui pouvaient intéresser le public en fonction de ce qu'ils avaient comme parcours pour éviter les redondances mais je ne m'attendais pas à de telles différences, s'étonne-t-elle. Quand j'entends la définition des racines d'un Josélito Michaud, qui est très ancré dans la figure de l'arbre, et qu'après coup, je rencontre Dany Laferrière qui me parle de l'image d'un vélo, c'est réjouissant. Cette diversité dans les réponses est probablement la plus grande surprise que j'ai eue.»

«Ces diverses trajectoires humaines m'ont permis d'explorer toutes les facettes du sujet, poursuit-elle. Que l'on soit quelqu'un qui a quitté le pays natal par amour comme Lucie Pagé, ou que l'on se définisse par sa foi comme Raymond Gravel, que l'on ne soit ni homme ni femme comme Micheline Montreuil ou encore que l'on s'identifie profondément à ce que l'on mange comme Sheila Watt-Cloutier.»

Vue panoramique

Valérie Lessard se défend bien d'avoir voulu donner un portrait de la société québécoise d'aujourd'hui. «Je ne prétends pas être autre chose qu'une journaliste qui a eu plus d'espace pour s'amuser sur un thème. Je garde d'ailleurs des moments très précieux de chacune de ces rencontres.»

Les photographies de David Boily illustrent d'ailleurs l'authenticité qui semble se dégager du projet. «Je tenais à réaliser les entrevues dans des endroits qui étaient symboliques, souligne Mme Lessard. Et j'étais chaque fois touchée par ce que j'y voyais, comme cette rangée de souliers chez Josélito ou encore ces photos de Gilles Carle qui ornent les murs chez Chloé Sainte-Marie. Il fallait que ça aussi se retrouve dans le livre parce que c'était aussi parlant que les mots.»

En contrepoids aux témoignages plus émotifs, on retrouve toutefois les mots de Serge Bouchard, de Jacques Lacoursière et de Pierre Chastenay comme autant de balises. «Je voulais qu'il y ait aussi une vision plus globale de l'identité, affirme la journaliste. Je me suis donc intéressée à ce qu'un anthropologue, un historien et un astrophysicien pouvaient en dire.»

Bref, l'échantillonnage est fécond. «J'ose croire que c'est un livre qui tombe peut-être à point dans un contexte de crise économique où les gens reviennent souvent à l'essentiel, avance Mme Lessard. Et je me réjouis que certains témoignages nous confrontent et nous provoquent. Lors des entrevues, j'étais parfois en désaccord ou j'avais à me réajuster. Je souhaite que les lecteurs vivent la même expérience dynamique dans la lecture. Je pense aussi qu'un ouvrage comme celui-là demeure intemporel. Ces questions identitaires, on se les pose souvent dans une vie, à l'arrivée d'un enfant, lors d'une rupture ou d'un événement marquant. Ce livre n'a certainement pas fini son action sur moi...»

Racines

Valérie Lessard

Éditions La Presse, 192 pages, 34,95$