Si l'on jouait à choisir une chanson correspondant à la sensation que procure la lecture de tel ou tel roman, avec celui d'Olivier Adam (Des vents contraires), je n'hésiterais pas, j'y ai pensé au long de ma lecture, c'est Mistral gagnant, le chef-d'oeuvre mélancolique de Renaud qui met en scène, assis sur un banc ou marchant sous la pluie, un père et sa fillette, lui se rappelant ses chers bonbons du temps qu'il était minot, «les bons becs fabuleux, caramels à deux francs, les carambars d'antan», elle riant, et lui, lui parlant de sa mère «un p'tit peu» ...

Il y a entre l'univers parolier de Renaud, ses chansons de gars, largué ou amoureux, ses chansons de bruine et de mer, et l'univers littéraire des romans d'Olivier Adam, ses déambulations de mec abandonné, son besoin de falaises et d'embruns, une correspondance délicate, une masculinité fragile, inquiète et tendre. Des garçons qui ne sont pas encore des hommes et qui ne sont plus des enfants, quoique... Des Ducharme qui se montrent, qui sortent de leurs placards de prolos pour goûter au soleil, et pleurer cinq minutes... Des pères qui, comme celui de Mistral gagnant et celui des Vents contraires, disent à leurs enfants qu' «il faut aimer la vie, l'aimer même si...», parce que «les méchants, c'est pas nous» ...

 

Le narrateur d'Olivier Adam, écrivain en panne depuis que sa femme est disparue, quitte la banlieue parisienne (chez Adam, on a ou les HLM ou les falaises) pour revenir avec ses deux enfants, Manon, 4 ans et Clément, 9 ans, à Saint-Malo, la ville de son enfance, de ses premiers désirs, le cocon primitif, le monde des carambars. Il a trouvé une bicoque vers Fréhel, un cap de la côte bretonne, région de falaises. (Dans Falaises, son roman de 2004, le narrateur revenait à Étretat avec sa copine pour assumer le suicide de sa mère, qui s'est jetée au bas de l'une d'elles). Là, son frère, qui a repris l'affaire d'auto-école de leurs parents, lui refile un boulot de moniteur. Ça va aller. Il fait tout ce qu'il faut pour Manon et Clément, ses seules richesses.

Un soir, après qu'il eut marché seul dans une nuit qui sentait la pluie, l'iode et la terre gelée, il rentre et entend Manon pleurer. Son lit est vide, elle est dans celui de son frère qui l'encercle de ses bras. Elle a encore fait ce rêve, sa mère qui l'attend au bout de la rue. Il la prend dans ses bras, se déshabille, met ses vêtements sur le radiateur et s'allonge avec elle: «On s'est endormis les cheveux mouillés, les miens par la pluie et les siens par les larmes qui coulaient de mes yeux comme l'eau des robinets, je ne pouvais rien y faire, il fallait que ça s'écoule, ça ne servait à rien de lutter contre ça».

C'est un roman d'amour. Vécu dans les vents contraires de la vie.

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Des vents contraires

Olivier Adam L'Olivier, 255 pages, 29,95$

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