Comme on rend visite à un vieil ami, Joshua Bell revient souvent à Montréal. Depuis qu'il y a fait ses débuts avec l'OSM à 20 ans, sous la direction de Charles Dutoit, le plus connu des violonistes américains a joué à Montréal une douzaine de fois. Mardi prochain, c'est à l'invitation de son ami, le pianiste Frederic Chiu, qu'il participe à Montréal en lumière pour un récital.

«Je connais Frederic depuis l'âge de 12 ans, dit-il. Nous jouons ensemble de temps à autre. C'est une belle occasion de revenir à Montréal, une ville que j'aime et où j'ai de bons amis.»

Lors de son dernier entretien avec La Presse, en janvier 2011, l'Américain nous avait fait part de son rêve de composer. Rêve difficile à réaliser pour un concertiste aussi occupé! Quatre mois après cet entretien, il était nommé directeur musical de l'Academy of St Martin in the Fields, succédant au vénérable sir Neville Marriner, qui fête cette année ses 90 ans. La composition peut encore attendre!

Un autre rêve

Mais grâce à ses nouvelles fonctions, Bell réalise un autre rêve: celui de diriger les symphonies de Beethoven.

«La direction de l'Academy prend beaucoup de mon temps et de mon énergie, dit-il. C'est un nouveau territoire très excitant. Nous faisons notre chemin à travers les symphonies de Beethoven et nous avons donné notre première Héroïque il y a quelques semaines. Nous l'enregistrons à l'automne, avec la première. L'an prochain, nous ferons des symphonies de Brahms.»

À son arrivée, le musicien souhaitait donner un petit coup de jeunesse à la prestigieuse formation londonienne et la faire sortir de sa zone de confort. Après bientôt trois ans, il se dit heureux du résultat, de l'accueil du public et de la critique.

«J'ai appris à connaître l'orchestre avant d'en arriver là. Et cet apprentissage continue. Un musicien ne devrait jamais s'arrêter de relever de nouveaux défis. Pour moi, du moins, c'est très important.»

Programme

Pour sa seconde visite à la Maison symphonique, le violoniste a établi un programme qui traverse trois périodes musicales. D'abord, on entendra la fameuse Sonate pour violon en sol mineur, dite Trille du diable, de Giuseppe Tartini. Ce sera suivi de la Sonate pour violon et piano no 5 de Beethoven, dite Le printemps. Finalement, on entendra le Divertimento du ballet Le baiser de la fée, d'Igor Stravinski.

Joshua Bell et Frederic Chiu, mardi 20 h, Maison symphonique de Montréal.

Les aventures d'un Stradivarius

Joshua Bell joue sur le Stradivarius Gibson ex-Huberman fabriqué en 1713. Ce précieux violon a connu une existence mouvementée, étant volé deux fois. Le premier vol a eu lieu à Vienne, en 1916, où il fut retrouvé quelques heures plus tard. En 1936, il était de nouveau volé au violoniste polonais Bronislaw Huberman, pendant qu'il donnait un concert sur un autre instrument à Carnegie Hall.

Le voleur, Julian Altman, était lui-même violoniste. Il jouait au Russian Bear, un restaurant situé non loin de la salle de concert. Pendant sa pause, il s'introduisit dans la loge du Polonais pour repartir avec le précieux instrument caché sous son manteau. Il allait le garder pour lui pendant près de 50 ans. Pour camoufler le violon, dont il jouait régulièrement, il l'avait recouvert de cirage à chaussures.

Sur son lit de mort, Julian Altman avoua à sa femme que l'instrument avait une grande valeur. Dans l'étui du violon, elle trouva des coupures de journaux datant de l'époque du vol. L'instrument valait alors 1,1 million. La veuve d'Altman restitua le violon à la Lloyd's, compagnie d'assurances qui avait dédommagé Huberman à l'époque du vol, et reçut une récompense de 263 000$. Joshua Bell a acquis l'instrument en 2001 pour une somme estimée à 4 millions.