Jean-Louis Murat n'est pas très enclin à traverser l'Atlantique pour seulement deux concerts. S'il a accepté l'invitation des FrancoFolies, c'est parce qu'il pensait enregistrer un album au studio d'Arcade Fire. Explications.

Murat n'avait pas chanté à Montréal depuis 10 ans quand on l'a enfin revu trois soirs aux FrancoFolies de 2010. Venir ici pour un ou deux concerts, c'est un peu frustrant, trouve-t-il, mais il avait un autre projet en tête quand il a accepté de chanter deux soirs au Club Soda.

«Pour vous dire les choses franchement, j'avais accepté de venir à Montréal parce que je voulais enregistrer dans la petite église d'Arcade Fire, explique-t-il au téléphone. J'aime beaucoup leur musique et je trouve qu'il y a une sorte d'énergie sur place. J'avais commencé à prendre des contacts pour louer une petite maison ou un appartement pour ma petite famille et m'installer quelques mois à Montréal. Mais je ne trouve pas de maison de disques ou de label intéressé par ce genre d'aventure. Ça me désole un peu. J'étais un peu par hasard chez mon ancien label, mais je pense que ce n'est pas des artistes comme moi qu'ils désirent avoir.»

Murat a dû également renoncer au projet d'enregistrer un disque à Bombay, en Inde, où il avait déjà repéré un studio. Il a également (au moins) deux autres disques dans ses cartons, dont un à partir de textes inédits d'un poète du début du XIXe siècle exhumé par une agrégée de lettres, et un autre de chansons de Poilus, les soldats de la guerre 14-18. «J'ai toujours aimé avoir des projets un peu parallèles qui me permettaient de me ressourcer et de me décentrer parce que je ne veux pas rester que sur ma petite personne», explique Murat qui, par le passé, a repris des poèmes de Baudelaire mis en musique par Ferré, ainsi que des textes d'auteurs méconnus des XVIIe et XIXe siècles.

S'il est une chose dont l'Auvergnat a horreur, c'est la routine, le surplace. Quand on l'a vu à Paris en novembre dernier, il a joué en partant neuf des dix chansons de son dernier album Grand lièvre, de la dernière à la première dans l'ordre! Avec une bonne charge d'électricité dans ces chansons dont l'enrobage était nettement plus acoustique sur disque. Ceux qui l'ont vu à Montréal en 1997, en 2000 ou en 2010 vous le diront: Murat est souvent là où on ne l'attend pas.

«J'espère que c'est ce qui reste comme une de mes qualités, dit-il. Moi, j'aime beaucoup les artistes qui se comportent comme ça. Au coeur même de l'expression artistique, il doit y avoir de l'anarchie pour moi. La créativité, c'est de l'anarchie maîtrisée un peu.»

Plus tard, il ajoute: «La musique que j'aime, c'est plutôt une créativité énergique. Moi, je privilégie la vitalité. Après, les moyens de la vitalité... Il m'est arrivé de faire des tournées tout seul, de faire des concerts acoustiques, des concerts électriques. Ça correspond un peu à la saison, à l'état de mon humeur.»

On s'en doutait, son programme a changé depuis le début de sa tournée. Il joue environ la moitié des titres de Grand lièvre, des nouvelles chansons et d'autres que son public connaît peut-être mais qu'il ne fait qu'en spectacle. Son vieil ami Denis Clavaizolle a cédé sa place à Slim Batteux, dont l'orgue se marie parfaitement à la guitare électrique du chanteur. Plus récemment, le bassiste Fred Jimenez, autre complice de longue date, est parti avec Johnny Hallyday et Murat l'a remplacé par Christophe Minck. Stéphane Reynaud est toujours derrière la batterie.

«Slim Batteux aime beaucoup dire que je ne lui ai jamais rien dit, raconte Murat. Si je dis quelque chose, c'est que ça n'ira pas et tu dégages. Donc si je ne dis rien, c'est que ça va. Je fais confiance aux musiciens dès que je les ai choisis et je leur demande de donner le meilleur d'eux-mêmes. Je suis un chef de troupe mais qui ne se préoccupe pas tellement de ce que fait la troupe. J'essaie de donner une énergie et puis on me suit à l'énergie, quoi.»

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Jean-Louis Murat, au Club Soda, ce soir et demain, 19h. En première partie: Jimmy Hunt duo.

Photo: fournie par la production

Pour Jean-Louis Murat, la créativité émerge d'un certain désordre: «Au coeur même de l'expression artistique, il doit y avoir de l'anarchie, pour moi. La créativité, c'est de l'anarchie maîtrisée un peu.»