Ses musiciens l'attendaient calmement sur scène, il s'est amené, arborant chemise aux motifs orangés, feutre. Il s'est assis au centre de sa batterie, il a mis ses lunettes noires, et c'était parti pour cet hommage d'une figure mythique de la batterie à une autre.

Tony Allen évoquant Art Blakey, avouez que c'est intrigant !

Jeune homme, le fameux batteur nigérian avait étudié les styles de Blakey et de Max Roach, alors parmi les batteurs cruciaux du jazz moderne, sans pour autant s'inscrire dans leur sillon. Il n'a jamais été considéré comme un batteur de jazz, il n'a jamais prétendu l'être. Inutile d'ajouter que l'approche de Tony Allen est unique au monde, identifiable dès les premières mesures. Le précurseur de la batterie afrobeat en impose !

Son jeu, en fait, est beaucoup plus lourd que celui des batteurs hardbop, ses évocations swing nettement plus costaudes, plus carrées. Ses frappes et roulements sur la caisse claire relèvent d'une tout autre esthétique, idem pour son rapport aux cymbales. Que fait-il alors dans un contexte jazzistique ? Il construit son swing sur une relation fort différente avec la batterie, principalement entre caisse claire et hi-hat.

Étonnamment, cette manière atypique fonctionne dans le contexte, cela tient même de la relecture concluante. Les relectures des fameux standards des Jazz Messengers sont ainsi reconstruites sur la robustesse de la facture Tony Allen et sur le groove extraordinaire qui en émane. C'est ce qu'on avait observé à l'écoute de ce maxi enregistré sous étiquette Blue Note, c'est ce qu'on a visionné sur YouTube et c'est ce qu'on a vu et entendu samedi au Monument-National.

Aux côtés de Tony Allen, des musiciens de fort bon niveau : Irving Acao Sierra, saxophone ténor, Jean-Philippe Dary, piano et claviers, Mathias Allamane, contrebasse, et ô surprise, la trompettiste Rachel Therrien, invitée à improviser sur Night in Tunisa, Moanin' et plus encore au rappel !

Tony Allen et ses propres... Jazz Messengers, osons le dire, étaient en zone conquise.