Objet tout aussi littéraire que théâtral, Révélations photographiques, de Louise Bombardier - vedette du petit écran grâce aux Bougon et aux Invincibles -, pourrait difficilement voir le jour dans un autre contexte que celui du FIL. Son duo avec Violette Chauveau est une des propositions les plus intrigantes du festival littéraire qui a débuté hier.

Louise Bombardier avait créé il y a quatre ans au FIL Petits fantômes mélancoliques, mélange de danse et de théâtre qui s'inspirait du peintre Balthus et de l'univers des autistes. Révélations photographiques est toujours étroitement lié aux arts visuels, et on y retrouve peut-être encore davantage son penchant pour l'étrange et les marginaux.

Cette fois, ce sont les oeuvres de l'artiste canadienne Marianna Gartner - qui s'inspire elle-même de photographies d'époque- qui ont nourri l'imaginaire de Louise Bombardier. «J'ai imaginé l'histoire derrière chaque photo. Les poses de ces images sont souvent empesées et sans émotion, moi, j'ai voulu voir à l'intérieur.»

Révélations photographiques est donc une série de petites histoires bizarres et absurdes, racontées par les deux actrices qui sont comme «deux soeurs siamoises bicéphales». «Des soeurs d'âme, qui sont parfois collées, puis qui se décollent», renchérit Violette Chauveau, qui a adoré se glisser dans l'univers de Louise Bombardier. «Un univers ludique et grave, pas du tout hermétique», souligne-t-elle.

Avec comme seul décor la toile blanche d'un studio de photo et la lumière qui en émane, et l'aide d'un minimum d'accessoires, la pièce mise en scène par Markita Boies laissera toute la place aux deux comédiennes, qui se passent le relais en incarnant les différents personnages, parfois une après l'autre, parfois en même temps. «Nous sommes un peu comme des enfants qui jouent», explique Louise Bombardier, qui assure que Révélations photographiques n'a rien d'une lecture de textes. «C'est de la littérature théâtrale où la parole est devant, explique l'auteure. Comme une série de monologues théâtraux entrecoupés.»

Dans ce studio photographique datant du début du XXe siècle, les personnages se succèdent donc et racontent leur histoire d'une manière burlesque ou tragique, dans une ambiance de fête foraine faite d'images fortes et insolites. Pour partager cette parole qui nécessite un talent de conteur, Louise Bombardier dit avoir eu besoin d'une «actrice magique et fantaisiste ayant un imaginaire développé». Violette Chauveau lui a semblé un choix évident, et la comédienne, qui s'est intégrée au projet alors qu'il était très avancé, ne l'a pas regretté. «Il y a beaucoup d'onirisme dans ce qu'écrit Louise. Ce sont des textes proches de l'inconscient, où les rêves sont très présents.»

Marginaux

Louise Bombardier aime les marginaux: son univers est peuplé de boiteux, d'enfants malades, d'albinos et de fantômes. «C'est peut-être parce que je me sens moi-même décalée face à l'univers. J'ai de la sympathie pour les gens qui en arrachent avec la réalité.»

Dans un livre illustré destiné aux ados et aux adultes intitulé Quand j'étais chien, qui sortira la semaine prochaine, son personnage central est d'ailleurs un homme de 25 ans qui, dans sa «tête de corniaud», a 5 ans et dont la mère vient de mourir. La trame est noire, très noire, et autant le texte de Louise Bombardier que les illustrations de Katty Maurey sont bouleversants par leur force d'évocation.

Louise Bombardier en est consciente, mais précise qu'elle a choisi de finir le livre dans la lumière. «Il y a une grâce pour les innocents. J'aime ce mot, innocent», dit celle qui parle souvent d'enfance blessée, mais aussi de résilience. «Ils s'en sortent parce qu'ils parlent, parce que je leur donne la parole.»

Vitrine

Comme Petits fantômes mélancoliques avant, Révélations photographiques sera publié aux éditions du Passage. Les mots de Louise Bombardier continueront donc d'exister, mais les deux femmes espèrent bien pouvoir rejouer ce spectacle au-delà du FIL, qui est une formidable vitrine de création, croient-elles.

«C'est d'autant plus important de faire ce spectacle-là cette année, de montrer une vision et l'importance de l'art, parce que c'est vraiment la catastrophe», estime Violette Chauveau. La comédienne évoque la subvention de 65 000$ de Patrimoine Canada qui n'a pas été renouvelée, alors que le FIL bénéficiait de cet apport financier depuis 2002 et que ce montant retranché à son budget annuel de 500 000$ met son existence en péril.

«On coupe dans un événement qui fonctionne bien depuis 17 ans, déplore Louise Bombardier. Le FIL fait travailler les auteurs, les acteurs, on coupe là où c'est fragile, là où ça fait mal.» Pour elle, c'est une question de survie et que cette décision survienne dans l'indifférence générale la consterne. «J'ai été élevée dans une misère culturelle totale et j'ai décidé de consacrer ma vie à l'art parce que c'est la respiration, le souffle d'une société.»

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Révélations photographiques sera présenté au Studio Jean-Valcourt du Conservatoire d'art dramatique de Montréal demain, à 16h, et lundi, à 20h, dans le cadre du FIL.



Quand j'étais chien (éditions la Courte échelle, 96 pages), de Louise Bombardier, sera en librairie le 27 septembre.

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NOS CHOIX

CAFÉ 1930. LITTÉRATURE ET TANGO.

Cinquième Salle de la Place des Arts, 20 septembre

Les mots de l'auteure Elsa Osorio et la musique de Gardel et de Piazzola réunis dans un spectacle: une idée qui va de soit, mais qui promet chaleur et passion. L'ensemble Fiestango portera la lecture que fera la comédienne Kathleen Fortin du roman Tango, lauréat du prix Métallié en 2007.

LANGEVIN EN FÊTE

Lion d'Or, 21 septembre

Le poète et auteur de chansons (Dan Bigras, Gerry Boulet...) Gilbert Langevin est mort en 1997, et pour que ses mots résonnent encore, une foule d'artistes se réunissent lors d'un spectacle en son honneur. Avec, entre autres, Marjo, Martin Deschamps, Pierre Flynn, Sylvie Paquette et Daniel Lavoie.

Pour en savoir plus sur la programmation du FIL: www.festival-fil.qc.ca