Ça se bouscule à l’enregistreur, pas le temps de niaiser. Après Sorcières, Aller simple : Survivre, Avant le crash, les deux quotidiennes de 19 h, le retour de 5rang, À cœur battant et Alertes, une nouveauté en fiction brille fort sur l’écran radar de la rentrée télévisuelle.

Voici la deuxième saison d’Une affaire criminelle, qui démarre ce mardi à 20 h sur les ondes de Noovo. C’est très, très bon. C’est bien écrit, bien joué et bien réalisé. Et ça chatouille notre fibre interne de détective de salon.

Il s’agit d’une autre enquête sur l’enquête d’un « cold case », le bon vieux dossier en dormance qui réapparaît sur le top de la pile après la découverte d’indices troublants.

Et non, pas besoin d’avoir visionné la première saison d’Une affaire criminelle pour sauter dans la seconde. Aucun lien n’unit ces deux volets pondus par l’auteure Joanne Arseneau (Faits divers). Aucun personnage ne traverse d’un chapitre à l’autre. Bref, les deux histoires touffues vivent de façon indépendante, mais continuent d’exposer les magouilles qui ternissent le badge des flics pourris ou corrompus.

Cette fois-ci, la minisérie de huit épisodes braque sa lampe de poche sur les policières Geneviève Lanctôt (Julie Le Breton) et Laurence Malenfant (Alice Moreault), partenaires à l’escouade des homicides de la police de Montréal. Parenthèse, avant de poursuivre : les deux actrices principales étincellent dans ces rôles complexes et nuancés d’enquêteuses, qui tordent la vérité pour se protéger l’une et l’autre.

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Laurence Malenfant (Alice Moreault) et Geneviève Lanctôt (Julie Le Breton) dans Une affaire criminelle

Dès les premières minutes, l’action décolle dans un garage miteux, où Laurence Malenfant abat un suspect, le très étrange Poupart (Hubert Proulx), qui a attaqué sa collègue Geneviève avec un pied-de-biche.

Légitime défense ? Meurtre calculé ? Bête accident ? Voilà les pistes qu’exploreront deux agents du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), joués par Normand Daneau et Mounia Zahzam et chargés d’éclairer ce barda sombre et croche, disons-le.

Car avant de mourir, le garagiste a révélé des informations déconcertantes à propos du père policier de Laurence, Jean-Claude Malenfant (Patrice Godin), un membre de l’escouade antigang qui manque à l’appel depuis sept ans. Mettons que ces aveux ont ébranlé Laurence (épatante Alice Moreault), qui croyait à la thèse du suicide de son papa.

Se pourrait-il que le vétéran Jean-Claude Malenfant, apprécié de ses pairs, ait été assassiné ou qu’il ait refait sa vie sous une nouvelle identité sans piper mot ?

La deuxième héroïne de la série, Geneviève (excellente Julie Le Breton), en sait davantage sur la disparition de Jean-Claude Malenfant qu’elle en révèle aux enquêteurs du BEI. Elle « couvre » son amie Laurence de même que son mari Philippe Laberge (Pierre-Yves Cardinal), qui a été le partenaire de Jean-Claude Malenfant avant de grimper les échelons, très vite, jusqu’au grade d’inspecteur-chef.

Le couple formé par Julie Le Breton et Pierre-Yves Cardinal dans Une affaire criminelle cache également des éléments glauques. Ça explose au deuxième épisode et c’est dérangeant à voir.

Plus la série progresse, plus notre perception des évènements au cœur de l’intrigue change. Et plus on gratte, plus les secrets éclatent. C’est là un des grands plaisirs de visionner Une affaire criminelle, une œuvre intelligente, dense et truffée de personnages multicouches, qui se dévoileront d’un mardi soir à l’autre.

Cette deuxième saison d’Une affaire criminelle m’apparaît moins cérébrale, moins « poutine interne de police », et plus axée sur l’action de terrain. En deux épisodes, on retrouve les ossements de deux cadavres dans l’île Notre-Dame, à deux pas de La Ronde. Un collier mystérieux pique la curiosité des sergents-détectives, tout comme le contenu d’un téléphone cellulaire qui a enregistré une violente dispute entre deux personnages dont on ne soupçonnait pas du tout le caractère agressif.

PHOTO YAN T., FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Scène tirée d’Une affaire criminelle

Parmi les rôles secondaires, la comédienne Kathleen Fortin vole la vedette en incarnant la sœur de l’homme tué par Laurence, au premier épisode. Cette femme vulgaire, sans tomber dans la caricature, monnaie chacune de ses confidences, ce qui enrage ceux qui l’interrogent.

On rit plus souvent dans Une histoire criminelle 2, on respire davantage entre deux moments chargés, je trouve.

Ces bulles allègent l’atmosphère générale de la série, sans banaliser les trucs difficiles qui s’y déroulent.

Au carrefour de toutes les pistes, même les fausses, le personnage de Laurence – celle qui a perdu son père il y a sept ans, ne l’oublions pas – demeure une énigme fascinante à déchiffrer. Son frère a sombré dans la drogue, pas elle. Sa mère et ses belles-mères en ont arraché, pas elle. En apparence, du moins.

On sent que Laurence traîne de graves traumatismes et on comprend qu’elle hallucine des lapins quand la tension monte à un niveau intolérable autour d’elle. Pour relâcher la pression, Laurence livre des spectacles d’humour dans un petit « comédie club » qui ressemble au Terminal, avenue du Mont-Royal Est. Oui, tous ces éléments cohabitent de façon cohérente et plausible.

Un ancien patrouilleur traitera même Laurence de « malade mentale », et c’est vrai que son état psychologique fragile inspire la crainte.

On sait peu de choses sur Laurence, mais on sait que sa camarade Geneviève ne l’abandonnera pas. Cette affaire criminelle en est aussi une de solidarité et d’amitié.