Alors qu'il est critiqué par des créateurs qui jugent comme une «insulte» l'ajout de seulement 4 millions au budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), le ministre de la Culture, Luc Fortin, a annoncé mardi matin son projet de politique culturelle, dans lequel il priorise notamment les conditions socioéconomiques des artistes, la place accordée à la diversité culturelle et la vitalité des cultures des peuples autochtones.

«Il y a des gens qui expriment des demandes, mais gouverner, ce n'est pas dire oui à tout ce qui nous est demandé. (...) Le CALQ est l'un des mieux soutenus à travers le monde. Toutes proportions gardées, il est mieux soutenu que le Conseil des arts du Canada (CAC). (...) [De plus], nous avons l'engagement d'en faire encore plus dans la prochaine politique culturelle», a affirmé M. Fortin après un point de presse qui s'est déroulé au campus de Longueuil de l'Université de Sherbrooke.

Dans son projet de politique, qui a pour titre «Partout, la culture», le ministère de la Culture réitère que «l'importance sociale, culturelle et économique des artistes et des travailleurs culturels ne fait pas de doute, [mais que] l'amélioration de leur condition socioéconomique demeure un objectif à atteindre.» Cette précarité était d'ailleurs dénoncée la semaine dernière par des représentants des théâtres, qui espéraient voir le budget du CALQ augmenté de 40 millions dès cette année. 

Dans son projet de politique culturelle, le ministre Fortin n'a pas annoncé un plan chiffré, avec des mesures budgétaires, mais il a réitéré que ce plan sera déposé avant la fin 2017. 

«Dans notre politique finale, il y aura un plan d'action avec des mesures très précises, très concrètes, et les mesures qui seront [annoncées], c'est parce qu'on aura les moyens de les soutenir. (...) On aura un plan d'action, un plan quinquennal. On ne va pas tout faire du jour au lendemain. Cette politique, c'est un document pour une génération», a indiqué M. Fortin.

Place à la diversité, aux autochtones et aux régions 

Contrairement à la dernière politique culturelle, adoptée en 1992 sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa, le nouveau projet de politique culturelle fait une grande place à l'importance de la diversité culturelle et de l'apport des peuples autochtones à la culture québécoise. 

«Le principe de base, c'est que les gens qui sont issus de la diversité (...) se reconnaissent dans la culture, parce que la culture, c'est le reflet de qui nous sommes», a affirmé Luc Fortin.

Questionné par La Presse s'il souhaitait imposer aux organismes culturels subventionnés par l'État des quotas d'artistes issus de la diversité, le ministre s'est plutôt dit favorable à prioriser «des incitatifs pour encourager les créateurs à produire des oeuvres ou embaucher des personnes qui vont faire en sorte que le produit final soit plus représentatif de la culture québécoise.» 

Le projet de politique culturelle prévoit aussi accroître ses partenariats avec les nations autochtones, notamment pour aider leur rayonnement et pour favoriser les échanges entre autochtones et non-autochtones. 

Le gouvernement du Québec prévoit aussi adopter une déclaration nationale sur les langues autochtones, afin de reconnaître leur statut particulier, mais aussi accompagner ce geste d'un financement pour s'assurer qu'elles soient transmises de génération à génération, a affirmé le ministre Fortin. 

«Il était temps» 

Liza Frulla, ancienne ministre libérale, à qui l'ont doit notamment la politique culturelle de 1992, s'est dite satisfaite du projet de politique dévoilé mardi matin, notamment concernant la place qui est accordée aux nations autochtones. «Ils sont les peuples fondateurs, il était temps qu'ils aient leur place dans la politique culturelle», a-t-elle dit en entrevue avec La Presse

Aujourd'hui présidente de l'organisme Culture Montréal, un organisme voué à sensibiliser les décideurs au rôle central de la culture dans le développement de la métropole, elle se dit sûre que le plan d'action qui doit être présenté cet automne réjouira les gens du milieu culturel, alors que certains ont mal reçu récemment les annonces faites concernant le budget du CALQ.

«[Le 4 millions], c'est une première étape avant l'étape la plus importante, c'est-à-dire le plan d'action de la politique culturelle. (...) [Pour moi, les besoins] sont infinis. Comme ministre de la Culture, tu ne peux jamais en donner assez. Il y a toujours la possibilité d'investir des millions, sauf que comme en éducation, un moment donné, il y a la capacité de payer», a dit Mme Frulla. 

Or, la capacité de payer des Québécois permet-elle justement, comme le réitère le projet de politique culturelle, d'améliorer les conditions socioéconomiques des artistes, dont plusieurs travaillent dans une grande précarité?

«Pour moi, la capacité de payer des Québécois, ce sont des choix. Il faut un équilibre dans ces choix. On n'est pas une société pauvre, ça va bien au Québec. (...) Je pense qu'il y a une capacité actuellement d'investir pour le plan d'action, qui peut être plus que fort acceptable. [Il devrait être] assez bien accueilli», a dit l'ex-ministre, qui a notamment siégé au comité-conseil du ministère de la Culture dans l'élaboration de sa nouvelle politique culturelle.