Au mois de juillet dernier, alors que la plupart des Québécois étaient en vacances ou au cinéma, Louis-José Houde angoissait. Pas au sujet de son premier grand rôle au cinéma dans De père en flic ni de sa tournée triomphale de spectacles.

Il angoissait en pensant au gala de l'ADISQ qu'il allait animer pour la quatrième année consécutive. Mais à 24 heures de la fête, l'humoriste s'est tellement bien préparé qu'il est aussi cool qu'un concombre, aussi détendu qu'une tisane et prêt à toute éventualité. 

La semaine avant le gala de l'ADISQ se déroule toujours plus ou moins de la même manière pour Louis-José Houde. C'est une semaine d'intense concentration qui commence par une escapade de quelques jours dans sa maison des Cantons-de-l'Est, histoire de faire le plein de silence et de se calmer les nerfs. Le retour en ville se fait le jeudi ou le vendredi. Mais au lieu de rentrer chez lui et de retrouver le confort rassurant et domestiqué de ses CD de Pearl Jam et de ses consoles Nintendo, ou même d'aller chez sa blonde, la percussionniste de Belle et Bum Mélissa Lavergne, l'humoriste s'installe à l'hôtel. «À l'hôtel, je ne pense à rien et je ne suis distrait par rien», m'explique-t-il devant un tartare et un verre de vin blanc au Café du Nouveau Monde.

Nous sommes lundi soir à quelques heures de L'Autre gala de l'ADISQ, diffusé sur MusiquePlus, où Louis-José ira cueillir un prix Félix pour l'album Humour de l'année.

Pour l'occasion, il porte un de ses nombreux t-shirts à l'effigie des Stones. Celui-ci date de 1975, année où Louis-José n'était pas encore né mais où ses parents écoutaient Harmonium.

Arrivé au monde en 1977 au moment où les disques vinyles s'apprêtaient à devenir les vestiges d'un monde englouti, Louis-José appartient à la première génération des CD. Quand il a été en âge d'acheter son premier disque, le vinyle était mort, les cassettes tiraient à leur fin et les CD arrivaient en ville. Son premier CD québécois fut une compilation double de Gilles Valiquette.

Au premier gala de l'ADISQ, en 1978, Louis-José Houde avait 1 an. Il en a maintenant 32 et plutôt que de succomber à la tentation du «sex, drugs and rock'n roll» comme les Stones l'ont fait, il me décline tout ce à quoi il renonce pendant les jours précédant le gala. La liste va de l'alcool au café en passant par la bouffe lourde et calorique, le sucre, les épices et, bien entendu, le sexe. En prévision d'un gala qui lui a pourtant déjà valu deux Gémeaux, Louis-José Houde vit comme un moine ou un boxeur avant un grand combat.

À l'inverse des gens

L'humoriste s'est tellement préparé en prévision de ce qu'il décrit comme «un gros high de création et de récréation» que lorsque le jour J arrive, il peut respirer par le nez, prendre son pied et savourer pleinement le moment.

«Cette année, j'ai dû faire 180 shows sur scène, mais cela n'a rien à avoir avec un show comme le gala où t'es en direct à la télé devant un million de téléspectateurs, où tu fais du matériel qui n'a pas beaucoup été rodé, où tu dois rentrer et sortir de coulisses constamment et où n'importe quoi peut arriver. C'est un stress et un thrill très particulier, mais surtout c'est quelque chose de très agréable.»

Agréable? Le mot est pour le moins étrange, compte du tenu du fait que l'animateur d'une telle galère se retrouve la plupart du temps sans filet, nu et vulnérable devant des milliers de paires d'yeux qui l'observent, le scrutent et le jugent. Ne faut-il pas être un peu malade pour trouver cette expérience agréable?

«Oui, complètement, concède Louis-José. Les humoristes sont tous un peu malades. Enfin, je vais parler pour moi. Et moi, dans la vie de tous les jours, je suis constamment inconfortable. Je vois tous les malaises dans toutes les situations. Je suis hyper conscient de tout. De sorte que je suis à l'inverse des gens. La vie pour moi est très compliquée, alors que de me retrouver sur scène devant 2000 ou 2 millions de personnes, il n'y a rien de plus simple.»

Cette belle simplicité n'empêche pas l'animateur de faire une sorte de rêve récurrent, symbole de sa plus grande phobie. «Je rêve que je suis sur scène, que j'ai un blanc monstrueux et que l'écran du télésouffleur est complètement vide. Le pire, c'est que l'année dernière au Centre Bell pour le 30e anniversaire de l'ADISQ, c'est exactement ce qui arrivé. L'espace d'une minute ou deux, la technique a flanché et mon texte a disparu. C'était pas plus grave que ça parce que je sais toujours mes textes par coeur, mais disons que j'étais content de les avoir si bien appris.»

Ni méchant ni insignifiant

L'écriture des textes commence à la mi-juillet. C'est Louis-José qui les écrit lui-même avant de les envoyer pour approbation, correction ou refus à François Avard. À la fin août, la moitié a été éliminée et remplacée par du nouveau matériel que l'humoriste commence à tester sur son public de tournée dès septembre. Jusqu'à la toute dernière minute, rien ne sera laissé au hasard par ce control freak et obsessif-compulsif qui affirme: «Le moment venu, je sais que ça ne sert à rien de prier ma grand-mère morte au ciel. Personne ne peut m'aider. Mon sort repose entièrement entre mes mains.»

Pour le gala de demain, l'humoriste n'ira surtout pas là où on l'attend. Pas de blagues sur Michael Jackson, Madonna, Lady Gaga et Céline Dion. En revanche, impossible de ne pas souligner le passage de Kiss à Montréal ni de revenir sur la saga de notre Éric Lapointe national.

«Sur mes cartons, chaque gag a un nom. Je ne sais pas trop pourquoi, mais depuis quatre ans, il y a toujours un gag qui s'appelle Éric», dit-il avec un air gentiment moqueur, avant d'ajouter: «Mais ne vous attendez pas à ce que je fasse une 365e joke sur les problèmes de boisson d'Éric. Ça serait trop facile.»

L'humoriste est particulièrement fier d'avoir trouvé pour le gala un ton qui lui est propre et qui n'est ni méchant ni insignifiant.

«Ce n'est pas dans mon tempérament d'être bitch. En même temps, j'aime ça picosser un peu les gens, mais pas de façon cheap. Je me souviens que, l'année dernière, j'ai fait une blague sur Daniel Boucher qui venait de se séparer. Je ne le connais pas tant que ça, Daniel, mais un peu quand même. C'est pourquoi je me suis permis cette blague-là. Avec un autre, j'aurais pas osé.»

Crise économique et budget réduit obligent, le 31e gala de l'ADISQ sera écourté de 50 minutes et amputé de son traditionnel hommage. Louis-José Houde n'y est pour rien. Mais il n'est pas contre non plus.

«Ce n'est pas la fin des hommages à l'ADISQ. Il y en aura d'autres, mais personnellement, je ne crois pas qu'il faille rendre hommage à tout prix chaque année à quelqu'un. Une fois aux trois ans serait une bonne moyenne.»

L'humoriste a fait sa part en réduisant la longueur de ses monologues et en supprimant certains numéros, comme son traditionnel numéro sur les pochettes de CD. Pour le reste, même si ce 31e gala est une sorte de lendemain de veille au somptueux anniversaire au Centre Bell de l'an passé, Louis-José n'est pas inquiet. Il croit que tout le monde sera plus détendu. Y compris sa grand-mère morte au ciel qui pourra continuer de dormir en paix.

Le gala de l'ADISQ, est diffusé à Radio-Canada, demain à 19h30, en direct du Théâtre Saint-Denis.