La femme de théâtre devient animatrice radio. Le dimanche 31 août, Lorraine Pintal prendra la barre de Vous m'en lirez tant à la Première Chaîne. Échange sur la peur de la polémique, les éclopés de la réforme et l'amour aveugle des mots.

«Un résumé de livre, on peut le trouver au verso. Ce qui m'intéresse, c'est de trouver les motivations profondes de l'écriture, recueillir des confidences et discuter de l'impact d'une oeuvre. Un livre, ça peut bouleverser une vie. Faut en parler!» s'enthousiasme Lorraine Pintal.

Nous sommes au café du TNM. La metteure en scène et directrice de l'institution n'a presque pas touché à son carpaccio de thon depuis 10 minutes. Parler littérature l'emballe. Et elle s'impatiente de le faire à la radio, un médium «de fabulation et d'intimité, à l'abri de l'image». Un endroit où le grain de voix, le ton et les hésitations d'un auteur enrichissent ses mots. Les transcendent même.

Sa chance commence le dimanche 31 août à 14h, alors qu'elle remplacera Marie-Louise Arsenault et Raymond Cloutier, les deux précédents animateurs de l'hebdomadaire Vous m'en lirez tant. La formule change pour l'occasion. Elle passe d'une émission en direct d'un café à une émission préenregistrée en studio. «Sans les bruits parasites, on se rapproche plus facilement des invités», justifie-t-elle.

Autre nouveauté, des chroniqueurs et auteurs interviendront en duplex de New York, Toronto et Paris. D'anciens collaborateurs reviendront aussi, comme Chrystine Brouillet et Sylvain Houde. Des surprises seront bientôt annoncées.

Les jeunes et la polémique nécessaire

Lorraine Pintal souhaite rajeunir le public de Vous m'en lirez tant. «L'éducation littéraire des moins de 25 ans a souffert d'un creux. Je ne veux pas parler d'une génération sacrifiée, ni idéaliser mon époque. Mais avec les réformes, on a perdu une certaine rigueur. Ce public, il faudrait réussir à l'attirer.»

Pour ce, elle sortira parfois des sentiers battus pour traiter de «sujets underground», comme le magazine OVNI et des oeuvres méconnues qui annoncent la littérature de demain.

Les débats reviendront aussi. Sans esquiver les sujets épineux. «On craint trop la polémique ici, déplore-t-elle. Qu'on ait transformé VLB en persona non grata le prouve une fois de plus. Je n'appuie pas forcément ses positions, mais il reste un de nos grands écrivains. On l'a bâillonné un peu vite.»

Le défi de l'animatrice: éviter la complaisance douillette. Sans non plus imiter les carriéristes de la polémique, qui surfent d'une controverse à l'autre en grattant juste assez la surface pour que cela sente mauvais. «Tous les sujets de débat seront permis, autant la place du livre de cuisine que la littérature politique engendrée par le phénomène Obama, assure-t-elle. Le secret, c'est d'inviter les bons intervenants. On trouvera les intellectuels les plus compétents.»

Et des critiques aussi. En 2003, Lorraine Pintal a signé dans nos pages un texte dénonçant certaines critiques «assassines». Elle assure que la critique conservera sa place dans l'émission. Mais avec l'immédiateté de la radio, les mots précèdent et dépassent parfois la pensée. Un danger, selon elle. «Le problème, c'est le ton. Il faut faire attention de bien peser ses mots.»

Ses coups de coeurLignes de faille, de Nancy Huston

«C'est une histoire déconstruite. À travers un enfant caché de naissance, on remonte le temps pour connaître ses ancêtres, du New York juif à l'Allemagne. J'adore ses visions folles typiques, et son regard sur l'enfance digne de Ducharme.»

Les bienveillantes, de Jonathan Littell

«Pour l'humanité, la contradiction et la complexité des personnages, pour l'écriture fulgurante, et pour l'aller-retour étourdissant entre le souci maniaque des statistiques morbides et les univers fantasmés.»

Le rapport de Brodeck, de Philippe Claudel

«L'écriture est dure et rauque. Ce n'est pas un livre facile. Les personnages sont presque de l'ampleur de Garcia Marquez Là non plus, ce n'est pas une suggestion très originale, mais c'est tellement bon.»