D'un côté, il y a de grands projets qui prennent forme et de l'optimisme insufflé par l'expérience de «Je vois Mtl». De l'autre, il y a tous ces commerces fermés et ces rues en chantier. Les experts s'entendent: l'économie montréalaise jouit de percées de soleil, mais les nuages sont encore nombreux dans le ciel de la métropole.

Comment la sortir de sa torpeur? En investissant dans les transports en commun, en poursuivant le renouvellement des infrastructures et en réduisant le fardeau fiscal des PME, répondent des experts.

Un secteur privé prudent

Niveaux d'investissement décevants, création d'emplois faible, taux de chômage stagnant, voire légèrement à la hausse: les derniers mois ont été plutôt tièdes pour l'économie montréalaise. « C'est assez inhabituel qu'on connaisse ce genre de performance moyenne dans une période où l'économie américaine est si forte, remarque Michel Leblanc, président et chef de direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Cela témoigne d'une certaine prudence du secteur privé qui n'a pas augmenté ses investissements comme on le prévoyait. »

Les choses devraient s'améliorer en 2016, surtout pour les entreprises exportatrices auxquelles le dollar canadien faible et la chute du prix du pétrole profiteront.

De grands projets porteurs

Plusieurs chantiers se poursuivront ou s'amorceront dans les 18 prochains mois : le campus Outremont, le CHUM, le pont Champlain, l'échangeur Turcot...

« Éventuellement, on songera à réutiliser les anciens hôpitaux universitaires et à refaire l'autoroute Métropolitaine, de même que la rue Notre-Dame, dit Michel Leblanc. Sur un horizon de 10 ans, la ville se reconstruira et ça, c'est très positif ! »

Tout cela devrait doper l'économie. « En plus d'être symbolique, un grand projet d'infrastructure comme le pont Champlain catalyse une foule d'activités primaires et secondaires et crée beaucoup d'emplois », signale Marc Gilbert, associé principal et directeur général du bureau montréalais du Boston Consulting Group, qui a cosigné en 2013 le rapport Créer un nouvel élan à Montréal.

La congestion routière

Les bouchons monstres donnent de plus en plus de maux de tête aux entrepreneurs établis à Montréal. « Les déplacements sont difficiles pour tout le monde : les travailleurs, les fournisseurs, les camionneurs, les clients d'affaires, déplore Michel Leblanc. Ça compromet la productivité et le système de logistique des entreprises, en plus de retarder des décisions d'investissement. »

Le président de la CCMM souhaite que le fédéral accélère la mise sur pied du Fonds pour le transport en commun proposé dans le dernier budget. « On aimerait que tous les partis actuellement en campagne s'engagent à investir dans les transports publics dès la première année d'un mandat, déclare-t-il. Cela donnerait de l'énergie à toutes les villes canadiennes, y compris Montréal. »

Taux de chômage inquiétant

Le taux de chômage augmente dans la région de Montréal ; il est passé de 7,7 % en janvier à 8,9 % au mois d'août. « C'est très dérangeant parce qu'on devrait être dans une période où il s'abaisse, affirme Michel Leblanc. Selon nous, c'est lié à la baisse d'investissement dans le commerce de détail et à la diminution de projets miniers, un domaine important dans l'économie de la métropole puisqu'on y fait de la transformation de métaux. »

Néanmoins, la situation est peut-être moins morose qu'elle ne paraît. « Beaucoup de chercheurs d'emploi s'établissent à Montréal parce qu'ils y voient plus d'occasions et cela peut augmenter le taux de chômage », rappelle Simon Gaudreault, économiste principal à la Fédération canadienne pour l'entreprise indépendante.

Le commerce de détail souffre

Les affiches « À louer » continuent de se multiplier le long des artères commerciales. Plusieurs détaillants de vêtements, en particulier, ont dû fermer boutique.

« Les obstacles sont nombreux pour les commerçants montréalais : concurrence des grands détaillants, concurrence du web, taux de taxation quatre fois plus élevé que celui des résidants, réglementation byzantine, travaux dans la rue qui n'en finissent plus... », observe Simon Gaudreault.

Ces fermetures provoquent un effet domino. « Un commerce vide, c'est un commerce où on ne refait pas les vitrines, où on ne livre pas de marchandises, où on ne vend pas de biens. Ça a des répercussions sur plusieurs acteurs économiques », remarque Michel Leblanc.

Revigorer le climat d'affaires

Montréal doit prendre un virage PME, croit Simon Gaudreault. « Il faut être davantage à l'écoute de leurs besoins et les consulter en amont, tant pour les projets de travaux que pour l'élaboration de la réglementation municipale », dit-il.

Il remarque des initiatives intéressantes pour aider les commerçants, comme la grande terrasse rouge, rue Saint-Denis, destinée à attirer les clients malgré un long chantier. « Mais il faut faire plus, entre autres alléger le fardeau fiscal », déclare-t-il.

Côté fiscalité, il y a du progrès à faire, reconnaît aussi Marc Gilbert, mais il faut être patient : « On parle de changements qui doivent être légiférés. Cela ne se fera pas avant trois ou cinq ans. »

Les marchés étrangers

Selon Michel Leblanc, le salut des entreprises montréalaises passe par les marchés étrangers. « Si nos entreprises veulent augmenter leurs ventes, elles doivent être présentes sur le marché américain, affirme-t-il. Elles y auront de très bons mois, voire de très bonnes années devant elles. Même chose pour le marché européen où la reprise économique finira par arriver. »

Le président de la CCMM encourage les petites entreprises de 0 à 5 employés, très nombreuses à Montréal, à viser plus haut. « Peut-être qu'elles ne sont pas prêtes à explorer les marchés étrangers, mais elles devraient être dans une dynamique de croissance par fusion ou par acquisition. Parce qu'en demeurant toutes petites, elles se rendent vulnérables à la conjoncture économique. »

L'effet Coderre

Si on sent un vent de changement à Montréal, c'est en partie grâce au maire Denis Coderre. « Bien sûr, l'administration Coderre est aux prises avec une ville en reconstruction, victime de décennies de sous-investissement, fait remarquer Michel Leblanc. Mais il y a une volonté politique pour refaire la métropole à la fois correctement et rapidement. »

Même son de cloche du côté de Marc Gilbert. « Notre rapport sur la relance de la ville aurait pu finir sur une tablette, rappelle-t-il. Mais non ! Le maire et son équipe se le sont approprié. Prenez seulement la réflexion «Je vois Mtl». Le maire a créé un bureau pour assurer le suivi des projets. C'est du vrai progrès ! »

Montréal en 5 chiffres

1 988 243 : nombre d'habitants dans l'agglomération de Montréal en 2014.

60,7 % : taux d'emploi au 2e trimestre de 2015 pour la région de Montréal.

Il était de 59,9 % pour l'ensemble du Québec à la même période.

8,9 % : taux de chômage en août 2015 pour la région de Montréal. Il était de

8 % pour l'ensemble du Québec à la même période.

18 : Montréal occupe le 18e rang du Global Financial Centres Index 2015, un classement international des centres financiers. La ville était 16e l'an dernier. Elle est devancée entre autres par Toronto et Vancouver.

121 : parmi les meilleurs endroits au Canada pour démarrer ou faire croître une entreprise en 2014, Montréal se classe 121e... sur 121.

Sources : Statistique Canada, Institut de la statistique du Québec, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et The Global Financial Centres Index 2015.